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Comment préparer les immeubles à logements multiples pour la recharge de voitures électriques

Plus d’un tiers de la population canadienne réside dans des immeubles à logements multiples, et l’amélioration de l’accès au réseau de recharge sera déterminante dans l’adoption des voitures électriques.

Le passage aux voitures électriques jouera un rôle majeur dans la réduction des émissions issues du transport. Chaque année, les ventes de ces véhicules atteignent un nouveau sommet au Canada, si bien que le fédéral est en voie d’atteindre ses cibles réglementées pour les véhicules zéro émission.

En revanche, l’accès au réseau de recharge demeure un facteur décisif pour les conducteurs. L’amélioration de la disponibilité du réseau public va de bon train, mais on estime quand même qu’entre 50 % et 80 % de la recharge aura lieu à domicile. Or l’accès à une borne de recharge à domicile n’est pas encore gagné dans les immeubles à logements multiples au Canada.

Obstacles à la recharge dans les immeubles à logements multiples

Environ le tiers de la population canadienne réside dans des immeubles à logements multiples. Cette proportion devrait croître, car la part des appartements dans les nouveaux projets de construction augmente, qu’ils soient destinés à la location ou à la propriété.
Les résidents d’immeubles à logements multiples sont beaucoup moins susceptibles de posséder une voiture électrique et d’avoir accès à une borne de recharge à domicile que les résidents de maisons unifamiliales. Dans un sondage de 2023 adressé aux propriétaires de voitures électriques, seulement 12 % des répondants habitaient dans un tel immeuble, et 87 %, dans une maison unifamiliale avec espace de stationnement. La même étude indique que 38 % du premier groupe n’avaient pas accès à une borne de recharge à domicile, contre 2 % dans le cas du deuxième (figure 1). Ces écarts peuvent s’expliquer en partie par le revenu moyen moins élevé des ménages habitant dans un immeuble à logements multiples, sans compter que la pose de bornes de recharge apporte son lot de défis logistiques.

Tout d’abord, la capacité électrique des vieux bâtiments est souvent insuffisante pour alimenter plusieurs bornes de recharge. Pour y remédier, il faudrait procéder à une mise à niveau onéreuse du système électrique du bâtiment, mais aussi du réseau de distribution du voisinage pour permettre la recharge.

Ensuite, le parc de stationnement des immeubles à logements multiples peut être restreint, ce qui complique la réservation d’espaces pour la recharge. Et si le compteur électrique est commun pour tout le bâtiment, les résidents peuvent être réticents à payer la facture de leurs voisins.

Enfin, dans le cas des condos, convaincre ses copropriétaires ou son gestionnaire d’immeuble d’installer des bornes de recharge n’est pas toujours chose facile, même si une récente révision des lois en Colombie-Britannique vise à faire tomber les obstacles. 

Ce que les gouvernements peuvent faire pour favoriser la recharge dans les immeubles à logements multiples

Les gouvernements prennent des mesures visant à améliorer l’accès au réseau de recharge pour les conducteurs actuels et futurs de voitures électriques vivant dans un immeuble à logements multiples.
De plus en plus de municipalités prennent l’initiative de revoir leurs règlements administratifs afin d’augmenter le nombre de bornes de recharge sur le site des immeubles à logements multiples (figure 2). Selon l’outil de suivi sur les véhicules électriques d’Electric Autonomy, 30 villes, villages et districts ont déjà amendé leurs règlements, ou en ont même créé de nouveaux, pour améliorer l’accès au réseau de recharge sur le site des immeubles à logements multiples. La majorité des collectivités dotées de tels règlements se trouvent en Colombie-Britannique, mais des villes importantes d’autres provinces en ont aussi, comme Toronto et Montréal (11 de ses 19 arrondissements).

Les règlements administratifs sur la question visent les nouvelles constructions en établissant des normes sur la proportion des espaces de stationnement à doter d’une borne de recharge de niveau 2. Par exemple, Vancouver a amendé un règlement administratif pour exiger une capacité électrique pouvant alimenter des bornes de niveau 2 installées sur 20 % des espaces de stationnement des nouveaux bâtiments multifamiliaux. Certains entrepreneurs sont d’eux-mêmes allés plus loin en installant une borne à chaque espace de stationnement pour leurs immeubles.

Cependant, aucune exigence n’existe pour le moment dans les codes du bâtiment fédéral ou provinciaux au sujet des infrastructures de recharges des voitures électriques; dans le pays, les règlements et leur territoire d’application sont donc morcelés. 

On pourrait combler cette lacune en intégrant des exigences en la matière dans les codes modèles nationaux de construction. La version actuelle du Code national du bâtiment, publiée en 2020, recommande déjà aux provinces et territoires de mettre au point d’ici 2030 un code modèle du bâtiment ayant trait à la carboneutralité. Par contre, puisque l’application des codes modèles nationaux n’est pas obligatoire, il serait encore préférable que les provinces amendent leurs propres codes. Par exemple, le gouvernement du Québec a déjà annoncé son intention d’adopter des règlements sur l’installation d’infrastructures de recharge dans les nouveaux immeubles d’au moins cinq logements. De plus, les municipalités peuvent continuer d’ouvrir la voie en édictant des règlements administratifs favorisant les voitures électriques, idéalement en voyant à une certaine uniformité. Dans les cas où les municipalités n’ont pas vraiment le pouvoir de prendre ce genre d’initiative, les provinces peuvent suivre l’exemple de la Colombie-Britannique en clarifiant que les lois provinciales n’empêchent aucunement les collectivités locales d’adopter des règlements administratifs favorisant les voitures électriques. 

Les remises gouvernementales peuvent inciter les propriétaires d’immeubles à logements multiples à y faire installer davantage de bornes de recharge, puisqu’elles en allègent le coût. Tout particulièrement, ces remises peuvent faciliter l’installation de bornes de recharge sur le site des immeubles déjà construits, lesquels ne sont pas visés par les règlements administratifs favorisant les voitures électriques. Bon nombre de programmes fédéraux, provinciaux, territoriaux et municipaux existent à cet effet, dont le Programme d’infrastructure pour les véhicules à émission zéro, le programme de remise de CleanBC et le programme-pilote ChargeYYC de Calgary. La plupart du temps, jusqu’à 50 % des coûts d’installation sont couverts.

Cela dit, l’installation d’infrastructures de recharge à domicile sur le site d’immeubles à logements multiples n’est pas toujours faisable ou financièrement viable. Dans ce cas, l’expansion du réseau de recharge dans les secteurs où ces immeubles sont fortement concentrés, par exemple par l’installation de bornes dans des zones publiques propices, peut améliorer l’accès au réseau des propriétaires de voitures électriques qui habitent dans ce type de logements en leur fournisseur plusieurs options. 

Préparer les immeubles à logements multiples pour la recharge de voitures électriques

Il est primordial d’améliorer l’accès au réseau de recharge sur le site des immeubles à logements multiples pour favoriser le passage aux voitures électriques, d’autant plus que la proportion de la population qui habite dans ce type de logement devrait augmenter. Les gouvernements doivent prendre le temps de réfléchir aux moyens de fournir des infrastructures de recharge à cette partie de la population, sans quoi un nombre important de conducteurs seront forcés de renoncer à une voiture électrique, et ce, malgré les émissions de gaz à effet de serre et la pollution de l’air inhérentes aux voitures à essence.Arthur Zhang est associé de recherche à l’Institut climatique du Canada. Anna Kanduth est directrice de l’initiative 440 mégatonnes à l’Institut climatique du Canada.