Le dernier rapport de la Régie de l’énergie du Canada montre qu’une économie carboneutre repose sur un réseau électrique plus grand, plus propre et plus intelligent.
Le mois dernier, la Régie de l’énergie du Canada a publié sa vision annuelle des avenues possibles pour un réseau énergétique du pays. Pour la toute première fois, l’édition 2023 de la collection Avenir énergétique du Canada présente des scénarios carboneutres pour l’ensemble de l’économie canadienne élaborés par la Régie, scénarios depuis longtemps attendus par les spécialistes.
Le rapport Avenir énergétique est utilisé par des investisseurs, des décideurs, l’industrie et les autres autorités de réglementation pour orienter les décisions. En basant ses analyses sur deux scénarios de carboneutralité (au Canada et à l’échelle mondiale), la Régie a établi une nouvelle base crédible pour le plan vers un Canada carboneutre.
Le rapport a fait des vagues, en particulier ses conclusions quant à la demande décroissante en pétrole et en gaz dans un monde sobre en carbone, surtout attribuable à des changements mondiaux qui échappent au contrôle du Canada. Cependant, une solution de rechange pour les combustibles fossiles dans un réseau électrique carboneutre est restée dans l’ombre : l’électricité propre.
Dans cette analyse, nous décortiquons quatre points à retenir du rapport Avenir énergétique sur l’avenir de l’électricité d’ici 2050.
1. Pour atteindre sa cible de carboneutralité, le Canada devra faire volte-face, et abandonner les combustibles fossiles au profit de l’électricité propre.
La Régie de l’énergie du Canada est sans équivoque : l’électricité est au cœur d’un réseau électrique carboneutre. 440 mégatonnes abonde dans le même sens et croit que l’électrification est à la base de toute trajectoire imaginable pour atteindre les cibles du Canada.
Dans son rapport, la Régie prévoit que la consommation d’électricité fera plus que doubler entre 2021 et 2050 en raison de l’adoption généralisée des véhicules électriques, des thermopompes et des procédés industriels électrifiés. Ce constat est partagé par d’autres études sur la carboneutralité, qui prévoient une augmentation de la demande en électricité de 1,6 à 2,1 fois durant la même période.
2. Pour répondre à la demande croissante, il faut un réseau électrique plus grand, plus propre et plus intelligent.
Pour subvenir aux besoins énergétiques du pays dans un avenir carboneutre, le réseau électrique de l’entièreté des provinces et territoires doit être plus grand, plus propre et plus intelligent qu’il ne l’est en ce moment.
Pour être plus grand, le réseau électrique doit connaître une expansion de sa capacité de production qui lui permettra de répondre à la demande grandissante découlant de l’électrification généralisée. Selon les scénarios de carboneutralité de la Régie, la production d’électricité aura plus que doublé d’ici 2050 par rapport à 2021.
Le rapport Avenir énergétique souligne aussi la possibilité de développer le réseau électrique même s’il devient plus propre et émet moins. Il montre que, autant dans les scénarios pour le Canada que pour ceux monde entier, le secteur de l’électricité pourrait atteindre, voire dépasser, les cibles de carboneutralité pour 2035. Selon ses projections, il faudrait, pour rendre les réseaux plus propres à l’horizon 2050, éliminer progressivement la production à partir de combustibles fossiles pour qu’elle ne représente que moins d’un pour cent de toute la production, tout en augmentant la production de sources non émettrices.
Ultimement, le réseau électrique doit également devenir plus intelligent, ou plus polyvalent, pour accueillir l’approvisionnement en électricité variable de l’éolien et du solaire. Dans le rapport Avenir énergétique se trouvent plusieurs solutions pour rendre le réseau plus flexible, comme le stockage à court terme, un raccordement des réseaux des provinces, la flexibilité de la demande et des sources émergentes d’énergie mobilisable non-émettrices (ex. petits réacteurs modulaires) et le gaz naturel avec captation, utilisation et stockage du carbone.
3. La carboneutralité de l’électricité est atteignable d’ici 2035 et il existe une variété de trajectoires pour y arriver
Les projections de Régie s’ajoutent à un ensemble d’études — mises en relief dans le rapport Volte-face de l’Institut —, montrant qu’il est possible d’atteindre la cible du gouvernement fédéral pour la carboneutralité du secteur de l’électricité d’ici 2035. Chaque étude s’appuie sur un mélange de technologies de production énumérant les multiples trajectoires fiables vers un réseau électrique carboneutre.
La figure 1 compare le bouquet énergétique par source selon quatre études qui portent sur les façons de rendre le réseau électrique canadien carboneutre d’ici 2035, y compris le scénario de carboneutralité à l’échelle mondiale du dernier rapport Avenir énergétique de la Régie.
Figure 1 : La production d’électricité carboneutre au Canada par technologie, selon quatre études
Chacune de ces études illustre un réseau électrique carboneutre se basant sur des technologies existantes facilement déployables, soit des valeurs sûres. Il est à savoir que les deux plus grandes sources de production sont les mêmes dans toutes les études : l’hydroélectricité (en majorité préexistante) et l’éolienne (en majorité nouvellement installée). Les scénarios de carboneutralité de la Régie prévoient que l’énergie éolienne sera neuf fois plus importante d’ici 2050, une augmentation impressionnante due à son abordabilité et à son adaptabilité aux besoins des provinces et territoires. L’énergie solaire, autre option abordable, devrait connaître une augmentation stable au pays, à la fois à l’échelle des réseaux et des toits.
Dans son étude, la Régie évalue le potentiel des technologies dont le développement est plus incertain, mais qui pourraient apporter de gros avantages, soit les paris risqués. Selon le rapport Avenir énergétique de 2023, l’énergie nucléaire pourrait jouer un rôle important dans le bouquet énergétique du Canada si les technologies de petits réacteurs modulaires évoluent assez rapidement et se développent à des coûts raisonnables. De même, dans certaines conditions, la production de biomasse, accompagnée de captage et stockage du CO₂, aussi connu sous le nom de BECSC, pourrait capter assez de carbone pour compenser les émissions d’autres secteurs de l’économie.
4. Un réseau électrique plus propre est un réseau électrique plus efficient
Le rapport Avenir énergétique fait état de l’un des avantages les plus marquants d’un réseau électrique décarbonisé : son efficacité accrue. Bien que, dans les scénarios de la Régie, la demande en électricité double, la consommation totale, elle, diminue (figure 2). Dans le scénario de carboneutralité à l’échelle mondiale, la demande totale en électricité diminue de 26 % d’ici 2050 par rapport à son pic de 2024, malgré l’augmentation stable de la consommation. Ce constat s’applique à toute l’économie; dans tous les secteurs, l’électricité devient la plus grande source d’énergie de l’utilisation finale alors que son utilisation totale baisse.
Figure 2: Total energy and electricity demand on the path to net zero
Un réseau électrique plus propre est également plus efficient pour deux raisons principales : premièrement, les technologies électrifiées comme les véhicules électriques et les thermopompes sont beaucoup plus efficaces que leurs équivalents alimentés par des combustibles fossiles, et deuxièmement, les autres améliorations à l’efficacité comme une meilleure isolation et de nouvelles machines réduisent davantage la demande en énergie. Cette réduction globale de la consommation d’énergie entraînerait donc une réduction des coûts en électricité pour les ménages d’ici 2050.
L’avenir est à l’électricité
Dans sa dernière édition de la série Avenir énergétique, la Régie de l’énergie du Canada vient appuyer un ensemble de preuves considérables qui pointent dans la même direction : toutes les trajectoires crédibles vers la carboneutralité reposent sur un réseau électrique plus grand, plus propre et plus intelligent. Le rapport dévoile le mécanisme de tels réseaux et révèle leurs principaux avantages, soit une réduction des émissions et une meilleure efficacité énergétique, qui représentent tous deux une réduction des coûts en électricité pour la population canadienne.
La Régie ajoute ainsi sa voix aux voix indépendantes qui sont de plus en plus nombreuses à conclure que l’avenir du Canada est électrique. Ne reste qu’à commencer à le bâtir.
Anna Kanduth est associée de recherche principale à l’Institut climatique du Canada et gestionnaire de l’initiative 440 mégatonnes. Ross Linden-Fraser est associé de recherche principal à l’Institut climatique du Canada.