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La tarification du carbone industriel a des répercussions financières négligeables pour les ménages… quand elle ne leur profite pas carrément

Le système d’échange pour les grands émetteurs contribue à l’épanouissement de l’industrie, et ce, en coûtant trois fois rien aux ménages.

Des études antérieures de l’Institut climatique du Canada ont montré que les systèmes de tarification du carbone industriel imposent des coûts très bas aux industries canadiennes tout en les aidant à réussir sur des marchés mondiaux incertains.

Mais, quel est l’effet de cette tarification pour les contribuables canadiens?

La réponse courte : presque rien, vraiment.

Les systèmes d’échange pour les grands émetteurs sont pratiquement sans effet pour les ménages

L’enquête récente de l’Institut climatique montre que les systèmes canadiens de tarification du carbone industriel – aussi appelés systèmes d’échange pour les grands émetteurs – n’ont à peu près aucune répercussion pour monsieur et madame Tout-le-monde. Et c’est à dessein : les systèmes ont été conçus avec soin pour restreindre les coûts pour l’industrie, et les produits visés, choisis judicieusement.

L’Institut a réalisé dernièrement une évaluation indépendante des systèmes d’échange pour les grands émetteurs au Canada, qui passe notamment par une modélisation détaillée des répercussions sur les émissions et sur l’économie. L’analyse distingue les effets de la taxe sur les carburants de ceux de la tarification du carbone industriel; elle conclut que si la première vient en moyenne légèrement refréner les dépenses des ménages, la seconde n’amène virtuellement aucun coût pour ces derniers. 

On calcule qu’en 2025, les systèmes d’échange pour les grands émetteurs ont un effet qui revient à 0 % en moyenne sur la consommation des ménages (certains s’en sortent même avec un léger bénéfice net!); en 2030, l’effet serait un ralentissement de 0,1 % – quand il ne sera pas carrément un stimulant à la consommation, comme ce sera principalement le cas avec le système TIER de l’Alberta, qui peut réduire le coût de l’électricité.

Les systèmes d’échange pour les grands émetteurs ne sont pas une « taxe carbone »

Soulignons tout particulièrement le faible coût des systèmes d’échange pour les grands émetteurs, considérant que ceux-ci devraient être le plus grand moteur de réduction des émissions au pays. 

Qu’est-ce qui les rend si rentables?

Les systèmes d’échange pour les grands émetteurs sont bien distincts de la taxe sur les carburants ou des autres taxes sur le carbone, et présentent trois grandes différences qui expliquent pourquoi ils ont si peu d’effets sur les ménages.

D’abord, les systèmes pour grands émetteurs imposent des coûts sur les émissions totales beaucoup plus bas que la taxe : environ 10 $ ou moins par tonne, contre un prix du carbone de 95 $ par tonne. Cela représente, dans le pire des cas, le coût d’un Timbit par baril de pétrole. Sans compter que certains secteurs arrivent même en moyenne à en tirer un profit! Ce faible coût est intentionnel : les systèmes d’échange pour les grands émetteurs sont conçus pour encourager l’industrie à réduire ses émissions, mais sans imposer un fardeau si grand qu’il ferait perdre du terrain au Canada en faveur de marchés plus laxistes sur le contrôle des émissions. 

Ensuite, la tarification du carbone industriel s’applique à des marchandises qui sont surtout destinées à l’exportation. Environ 50 % de la production des grands émetteurs canadiens est exportée, et ce pourcentage est encore plus grand pour certains secteurs. Pour la production des sables bitumineux, par exemple, c’est plus près de 80 %. Cela signifie que seule une fraction des coûts (déjà faibles) se répercute sur les consommateurs canadiens. De plus, le prix des produits industriels est largement fixé par les marchés mondiaux, et non par la politique intérieure. La principale exception est l’électricité, mais comme l’analyse de l’Institut l’a montré, à certains endroits comme l’Alberta, le système d’échange peut faire baisser les prix parce qu’il amène les producteurs sobres en carbone à générer des crédits revendables.

Enfin, la tarification du carbone industriel se répercute à peine sur les ménages, car la modeste hausse qu’elle amène dans le coût des biens industriels a peu d’impact sur le prix des produits finis. Prenons une chose fabriquée avec de l’acier : la recherche montre que le choix d’un acier sobre en carbone, même s’il est plus cher, a un effet négligeable sur le prix d’achat d’un véhicule ou sur les coûts de construction d’un édifice. Il y a bien sûr des différences selon le produit; par exemple, le coût du ciment a des répercussions plus importantes sur le coût total des bâtiments. Il reste que les particuliers ont très peu besoin de ciment. Et que le principe demeure le même : le prix des matières premières n’est qu’une fraction de ce que le consommateur paie au bout du compte. 

Il en ressort, pour conclure, que les systèmes d’échange pour les grands émetteurs apportent de grands avantages à un coût très économique – et même négligeable, pour les consommateurs du Canada. S’ils ne sont pas parfaits, ces systèmes restent de puissants outils pour réduire les émissions du Canada et parer ses industries à affronter la concurrence sur le long terme. Et les ménages canadiens peuvent être rassurés : il ne leur en coûtera presque rien.


Ross Linden-Fraser est chef de projet à l’Institut climatique du Canada. Dave Sawyer est économiste principal à l’Institut climatique du Canada.