Plus de 70 projets de décarbonisation majeurs pourraient bénéficier directement de la tarification du carbone industriel – et le démantèlement de cette dernière en menacerait certains.
La tarification du carbone industriel est LA politique climatique canadienne la plus importante. Cela est dû non seulement à son potentiel de réduction des émissions (plus grand que celui de toute autre politique), mais aussi à la manière dont elle encourage l’investissement dans les projets industriels propres.
La tarification du carbone industriel n’est pas seulement le bâton, c’est aussi la carotte
Il est bien connu que la tarification du carbone industriel sert de bâton en associant un coût à la pollution industrielle, mais elle peut aussi servir de carotte. Ce système, aussi appelé système d’échange pour les grands émetteurs, crée en effet des marchés de crédits qui récompensent les installations pour la réduction de leurs émissions. Les installations qui produisent beaucoup d’émissions achètent des crédits sur ces marchés pour compenser cet excès, tandis que celles qui les réduisent peuvent générer des crédits correspondant à leur bonne performance et les vendre. Les systèmes d’échange pour les grands émetteurs peuvent donc tabler sur la perspective d’obtenir des crédits pour attirer des investissements au Canada.
Ces crédits sont très utiles aux installations pour récupérer une partie des coûts élevés des projets de réduction des émissions, particulièrement lorsque ces projets sont peu rentables en eux-mêmes. Par exemple, les projets de captation du carbone coûtent cher à mettre en place et exigent des ressources considérables, mais le gaz qu’ils captent a peu de valeur commerciale si le carbone n’est pas tarifé. En offrant des crédits pour les réductions des émissions, les systèmes d’échange pour les grands émetteurs donnent aux projets de CUSC des sources de revenus qui les rendent rentables.
Cette approche réduit aussi le besoin de subventions. Les autres politiques climatiques n’offrent pas les mêmes options de rentabilité pour la réduction des émissions. Le crédit d’impôt à l’investissement fédéral pour la captation du carbone, par exemple, compense jusqu’à la moitié des coûts en capital d’un projet, mais n’en allège en rien les coûts d’exploitation élevés. Les crédits obtenus dans les marchés pour les grands émetteurs aideraient à couvrir ces coûts, sans alourdir le fardeau pour les contribuables.
Les entreprises investissent des milliards de dollars en misant sur la tarification du carbone
Au Canada, les investissements sobres en carbone tablant sur la tarification du carbone se chiffrent déjà en milliards de dollars. Selon l’Institut climatique, cela comprend plus de 70 projets des secteurs industriels et des ressources naturelles, pour une valeur totale de plus de 57 milliards. Ces projets de réduction des émissions pourraient générer des crédits qui seraient ensuite vendus sur les marchés pour les grands émetteurs.
Ces investissements comprennent des installations de captation du carbone pour l’industrie lourde et le secteur pétrogazier, des projets de décarbonisation pour des aciéries et des usines de pâte à papier et des projets d’énergie renouvelable en Alberta (la seule province où ils peuvent obtenir des crédits à la performance et compensatoires revendables).
Les systèmes d’échange pour les grands émetteurs peuvent également profiter aux installations existantes. Les entreprises qui ont déjà réalisé des projets de réduction des émissions, comme l’installation Quest de captage et de stockage du carbone, obtiennent des crédits couvrant une partie des investissements déjà réalisés.
Le démantèlement de la tarification du carbone industriel pose des risques importants
Comme 440 mégatonnes l’a déjà démontré, des milliards de dollars d’actifs seraient menacés si les systèmes de tarification du carbone industriel étaient éliminés. Si le risque direct le plus important concerne les crédits que les entreprises possèdent déjà (d’une valeur de 5 milliards de dollars seulement en Alberta), les investisseurs ont aussi pris plusieurs autres décisions en se basant sur la tarification du carbone et pourraient changer d’avis si ces mesures disparaissent.
Une chose est claire : les investisseurs ont avancé plusieurs milliards de dollars pour la réduction des émissions au Canada et les politiques en place ont aidé à réaliser ces investissements. La tarification du carbone industriel a encouragé l’investissement de capital dans une économie canadienne plus propre et plus compétitive, mais elle doit rester en place.
Ross Linden-Fraser est chargé de projet à l’Institut climatique du Canada.