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De meilleures données pour un secteur bancaire canadien plus propre

Les banques du Canada ont besoin de meilleures données sur les émissions pour atteindre leurs objectifs de carboneutralité.

Quoi de neuf?

Les banques jouent un rôle de premier plan dans le financement de la transition du Canada vers la carboneutralité; elles ont la capacité, avec leurs prêts et investissements, de favoriser les projets sobres en carbone pour réduire les émissions qu’elles financent.

Actuellement, toutes les banques du Canada font partie de la Net Zero Banking Alliance (NZBA) de l’ONU, un engagement volontaire à établir des cibles de carboneutralité d’ici 2050. Cependant, pour plusieurs composantes de leurs portefeuilles, elles ne disposent pas des données nécessaires pour assurer un suivi des émissions financées – les émissions des projets alimentés par leurs prêts et investissements – ni fixer des cibles de réduction.

Qu’est-ce que les émissions financées?

Les émissions financées, soit les émissions de portée 3 et de catégorie 15, sont des émissions de gaz à effet de serre liées à des activités financées par des prêts ou des investissements. Elles sont responsables de la majeure partie de l’empreinte carbone des banques. D’une ampleur pouvant surpasser 700 fois celle des émissions opérationnelles (portées 1 et 2), leur mesure est cruciale pour évaluer les efforts climatiques de ces institutions.

Ces dernières peuvent réduire leurs émissions financées en cessant d’investir dans des entreprises polluantes et en favorisant les technologies sobres en carbone. Par exemple, si une banque finance 30 % d’une usine de production de pétrole, ce sont généralement 30 % des émissions annuelles totales de cette usine qui s’ajouteront à ses émissions financées. Pour réduire son empreinte, la banque peut vendre sa part de l’usine ou investir dans la décarbonisation de celle-ci.

Au total, les plus récentes estimations des grandes banques du Canada recensent un total de 213,9 mégatonnes d’émissions financées dans six secteurs : le pétrole et le gaz, la production d’énergie, le transport, l’agriculture, l’industrie et l’immobilier (figure 1).

La NZBA estime que ces secteurs sont les plus grandes sources d’émissions financées des banques et demande à ses membres d’établir des cibles intermédiaires pour y réduire les émissions d’ici 2030 ou avant.

Les émissions du pétrole et du gaz sont les plus importantes, tous portefeuilles d’investissement confondus, mais on trouve tout de même des émissions financées non négligeables du côté de l’agriculture, du transport, de l’aviation et de la fabrication automobile. Pourtant, les émissions de ces secteurs demeurent les moins divulguées, seulement la moitié des banques rendant compte de leurs émissions financées dans ces catégories.

Lacunes des données sur les émissions financées

Dans l’ensemble, les banques citent souvent la qualité des données comme principal obstacle à la définition de cibles de réduction à court terme.

Comme il a été mentionné plus haut, il existe encore plusieurs secteurs où les émissions financées ne sont pas encore déclarées par toutes les banques. Et même lorsqu’elles le sont, la qualité des estimations est en moyenne assez faible. Les banques indiquent généralement elles-mêmes la qualité de leurs données, mesurée à l’aide de l’échelle du Partnership for Carbon Accounting Financials (PCAF); une note de 1 représente des données d’émissions vérifiées de la plus grande qualité, et une note de 5, des données de la plus basse qualité souvent estimées à partir des émissions globales du secteur et comportant une marge d’erreur laissant place à une sous-estimation ou une surestimation majeure des émissions financées.

La figure 2 présente la note moyenne globale des banques par catégories, sur l’échelle du PCAF, et compare les notes de qualité des données au nombre de banques ayant défini des cibles intermédiaires de réduction des émissions financées dans chaque secteur.

Sans grande surprise, on observe une relation inverse entre le nombre de cibles et la qualité des données, les données de mauvaise qualité étant associées à un plus petit nombre de cibles intermédiaires. Par exemple, la qualité des données dans les secteurs de l’agriculture et de l’industrie est particulièrement basse, et aucune banque n’a encore fixé de cibles à court terme dans ces secteurs.

Lorsque les données sont mauvaises, les banques se trouvent sans points de référence fiables à partir desquels établir leurs cibles de réduction des émissions financées. Elles sont aussi à risque d’investir trop ou trop peu si les marges d’erreur des estimations sont importantes.

Avec des données de meilleure qualité, les banques pourront se fier davantage à leurs estimations pour refléter adéquatement les émissions financées et ainsi définir des cibles de réduction conséquentes.

Cela dit, la production de données de grande qualité n’est pas aisée dans tous les secteurs. Certains, comme le secteur de l’agriculture, se heurtent depuis longtemps à des difficultés en lien avec le calcul des émissions, difficultés qui paraissent à la fois dans la faible qualité des données et dans le manque de cibles intermédiaires.

Dans d’autres secteurs industriels, des données sur les émissions de portées 1 et 2 des installations qui sont tenues de déclarer leurs émissions en vertu du Programme de déclaration des gaz à effet de serre sont déjà disponibles.

Remédiation des lacunes pour la définition de cibles plus complètes

Afin de combler ces lacunes, des administrateurs de valeurs mobilières et d’autres organismes réglementaires ont instauré certains règlements sur la disponibilité des données.

Pour améliorer l’accessibilité des données des entreprises sur leurs émissions, on peut notamment en imposer la déclaration. Les Autorités canadiennes en valeurs mobilières examinent d’ailleurs des propositions pour la divulgation minimale obligatoire des émissions de portée 1.

La mise en place d’exigences de déclaration pour les émissions de portées 1, 2 et 3 permettrait d’offrir aux banques des données plus complètes pour estimer la pleine empreinte carbone de leurs émissions financées. Le fait d’adopter des normes plus strictes en la matière rapprocherait aussi le Canada de ses pairs internationaux, comme la Californie et l’Europe, qui ont récemment adopté le premier projet de loi en son genre sur la divulgation obligatoire et les normes européennes d’information en matière de durabilité, respectivement.

Une autre option serait d’exiger que les banques définissent des cibles de réduction des émissions et les intègrent à leur plan de transition climatique, conformément aux lignes directrices du gouvernement fédéral sur la gestion des risques climatiques – un travail qui est déjà en cours. Cette façon de faire augmenterait aussi l’intérêt des investisseurs envers les données des entreprises, ce qui pourrait inciter davantage d’entreprises à produire de meilleures déclarations.

La qualité des données est particulièrement importante pour donner aux banques l’information nécessaire pour définir des cibles sectorielles et investir dans des projets canadiens plus sobres en carbone qui leur permettront de les atteindre.


Arthur Zhang est associé de recherche à l’Institut climatique du Canada.