Si l’on se fie aux grands indicateurs climatiques, le Canada est sur la bonne voie, mais la mise en œuvre de ses politiques doit s’accélérer.
Quoi de neuf?
Pour favoriser une prise de décisions rapide et fondée sur les données, l’équipe 440 mégatonnes vient de publier pour la première fois les estimations préliminaires des émissions nationales pour 2021. Selon ce rapport, le Canada réalise des progrès constants sur le plan des principaux facteurs de réduction des émissions et du découplage de la croissance économique et des émissions de gaz à effet de serre. Néanmoins, s’il ne veut pas rater sa cible de réduction des émissions pour 2030, il lui faudra accélérer la mise en œuvre de ses politiques.
La publication des estimations préliminaires des émissions nationales vise à améliorer le processus décisionnel par la mise à disposition de données plus récentes sur les progrès réalisés à l’échelle nationale en matière de réduction des émissions. Le Rapport d’inventaire national officiel sur l’année civile antérieure, publié chaque année au printemps suivant, présente un décalage de 16 mois. Ce décalage empêche les collectivités publiques de corriger le tir rapidement si les données montrent que le Canada n’est pas sur la bonne voie.
Des signes de progrès
Selon nos estimations, en 2021, les émissions de gaz à effet de serre du Canada se sont élevées à 691 Mt, soit 2,8 % de plus qu’en 2020, mais 6,7 % de moins qu’en 2005. Entre 2020 et 2021, nos estimations montrent une baisse globale de l’intensité des émissions de 2 %, ce qui reflète un découplage stable de la croissance économique et des émissions de gaz à effet de serre, en cohérence avec la variation annuelle moyenne des émissions depuis 2005. Cette tendance est particulièrement prometteuse au vu de la reprise économique ayant suivi les restrictions généralisées liées à la COVID-19. Il s’agit également d’un grand indicateur de progrès climatique.
Nous constatons qu’il arrive régulièrement au gouvernement du Canada de réétalonner le Rapport d’inventaire national en raison de changements méthodologiques. Chaque année d’émission (y compris 2005) est alors réajustée, ce qui nous oblige à revoir nos estimations. La vigilance est donc de mise lorsqu’on compare d’anciennes versions du rapport.
Figure 1: Tendances des émissions nationales de GES pour les années sélectionnées (hors ATCAFT)
Figure 2: Tendances des émissions nationales de GES pour les années sélectionnées (hors ATCAFT)
Si l’effet isolé de l’augmentation de l’activité économique a entraîné une hausse des émissions de plus de 30 Mt entre 2020 et 2021, la hausse globale nette s’est en réalité élevée à 19 Mt, grâce aux améliorations dans les domaines de la décarbonisation et de l’efficacité énergétique (figure 3). Les leviers politiques et commerciaux ont donc permis de réduire les émissions de 13 Mt. Sur cette même période, la hausse des émissions est principalement due aux deux principales sources d’émissions du Canada – le secteur pétrolier et gazier et celui des transports –, en raison de la forte reprise économique dans ces deux secteurs.
Figure 3: Principaux facteurs ayant contribué aux variations d’émissions de GES (2020–2021)
Compte tenu du caractère exceptionnel de l’année 2020 (où les émissions ont considérablement chuté en raison d’une diminution sans précédent des activités), nous avons également analysé les facteurs d’émissions entre 2016 et 2021 de manière à rendre compte des progrès liés aux politiques de réduction d’émissions mises en œuvre après l’Accord de Paris (figure 2). Si l’augmentation de l’activité économique entre 2016 et 2021 a entraîné une hausse des émissions de 60 Mt, les améliorations réalisées dans les domaines de la décarbonisation et de l’efficacité énergétique ont quant à elles permis de réduire les émissions de 35 Mt et de 48 Mt, respectivement, ce qui a conduit à une baisse globale nette des émissions de 24 Mt.
Figure 4: Principaux facteurs ayant contribué aux variations d’émissions de GES (2016–2021)
Nous devons accélérer le rythme
Quoique prometteuses, les tendances observées doivent s’accélérer si nous voulons atteindre la cible de réduction des émissions du Canada pour 2030. Entre aujourd’hui et 2030, la baisse de l’intensité des émissions annuelles moyennes doit dépasser la croissance économique de 5 % annuellement pour atteindre la cible de 440 Mt. Par exemple, entre 2022 et 2030, pour une croissance économique moyenne nationale de 1,5 %, la baisse annuelle de l’intensité des émissions visée serait de 6,3 %.
Pour atteindre sa cible de 440 Mt, le Canada devra mettre les bouchées doubles dans les domaines de l’efficacité énergétique et de la décarbonisation. D’après une précédente analyse de l’Institut climatique du Canada, la mise en œuvre rapide et efficace des politiques du Plan canadien de réduction des émissions pour 2030 conjuguée à des mesures provinciales et territoriales peut accélérer le rythme et accroître l’ampleur des réductions requises durant cette décennie. L’année 2023 sera charnière, compte tenu de l’adoption par le gouvernement fédéral de grandes politiques, comme la réglementation sur l’électricité propre, le plafond d’émissions pour le secteur pétrolier et gazier, le quota de vente sur les véhicules à émission zéro et le resserrement de la réglementation sur les émissions de méthane. Si elles sont mises en œuvre rapidement et efficacement, ces politiques devraient permettre d’importantes avancées.
À partir de maintenant, nous publierons les estimations préliminaires des émissions nationales chaque automne, soit huit mois avant la publication du Rapport d’inventaire national officiel. Les estimations préliminaires des émissions nationales de 2022 seront donc publiées à l’automne 2023.
Seton Stiebert est conseiller pour le projet 440 mégatonnes, et Dave Sawyer est économiste principal à l’Institut climatique du Canada.