Malgré les engagements et les investissements du secteur pétrogazier pour réduire ses émissions, il y a encore beaucoup de pain sur la planche.
Quoi de neuf ?
Les émissions du secteur pétrogazier poursuivent leur ascension et le Canada s’éloigne de plus en plus de ses cibles climatiques. Bien que le gouvernement ait fait avancer plusieurs politiques visant à réduire les émissions dans ce secteur dans la dernière semaine, il devra accélérer la mise en œuvre des programmes s’il veut revenir sur la bonne voie.
Notre analyse le montre : il est possible de réduire considérablement les émissions pétrolières et gazières – et une pluralité de solutions permettrait d’y arriver –, mais le temps presse.
La plupart des entreprises se sont déjà engagées à réduire leurs émissions – autant pour se conformer à la réglementation que pour rester concurrentielles – mais les cibles en elles-mêmes ne suffisent pas. Il leur faut passer de la parole aux actes, c’est-à-dire mettre en place et financer une série de solutions climatiques concrètes. Dans cette analyse, nous faisons le suivi des engagements et des actions du secteur.
Les engagements en matière d’émissions pétrogazières sont insuffisants pour mettre le secteur en bonne voie d’atteindre son objectif
L’Alliance nouvelles voies regroupe six des plus grands producteurs de sables bitumineux au Canada, responsables collectivement de 95 % des émissions provenant de leurs activités. Ensemble, ses membres se sont engagés à couper annuellement 22 mégatonnes de tous les gaz à effet de serre d’ici 2030 et 68 mégatonnes d’ici 2050 pour atteindre la carboneutralité.
Dans leurs engagements de réduction d’émissions, les entreprises ne se sont pas bornées aux sables bitumineux. Le tableau 1 dresse la liste de leurs cibles volontaires représentant 95 % des émissions de toutes les installations pétrolières et gazières au Canada qui produisent plus de 10 kilotonnes de CO₂ éq. chaque année. Parmi ces engagements se trouvent notamment la production de gaz naturel et des activités pétrolières plus traditionnelles.
Collectivement, les promesses climatiques couvrent 86 % des émissions déclarées du secteur pétrogazier, et comprennent des objectifs de carboneutralité pour 2050 ainsi que des cibles intermédiaires pour 2030 ou avant. D’autres cibles visent également les émissions d’un secteur précis des activités d’une entreprise (p. ex., celles d’un site en particulier), et des cibles de réduction du méthane.
Toutefois, dans bien des cas, les engagements des entreprises ne concordent pas avec les objectifs climatiques du Canada.
Comme l’illustre la figure 2, la moyenne des cibles de réduction des entreprises pour 2030 représentent une diminution d’à peine 30 % par rapport aux niveaux de 2019. Ces moyennes manquent d'ambition par rapport à la modélisation fédérale du rapport d'étape 2023 sur le plan de réduction des émissions, qui montre que les émissions du secteur diminuent de 41 % par rapport aux niveaux de 2019 d'ici à 2030.
Quelles sont les mesures prises pour réduire les émissions?
Pour être crédibles, les engagements doivent aussi se traduire par des actions. L’alignement du secteur avec l’objectif canadien pour 2030 dépend de la mise en œuvre de solutions ciblant les réductions sur toute la chaîne de valeur.
Les entreprises financent et déploient activement des « valeurs sûres » , comme :
- La réduction des émissions de méthane, un gaz relâché dans l’atmosphère par l’évacuation, le torchage ou les fuites lors de la production, le transport et l’extraction de pétrole et de gaz. Depuis 2015, plusieurs entreprises ont considérablement réduit ce type d’émissions. Par exemple, Cenovus a diminué ses émissions de méthane provenant de ses activités en amont de 59 % depuis 2019. De la même façon, Canadian Natural Resources a affirmé avoir relâché la moitié moins de méthane en 2022 par rapport à 2016. Cette valeur sûre s’avère également avantageuse pour les entreprises, puisqu’elle leur permet souvent de tirer davantage de leurs produits commercialisables.
- Autre solution déployée actuellement par les entreprises, la cogénération permet de réduire son empreinte carbone de façon innovante. Elle repose sur l’utilisation de la chaleur excédentaire produite lors de l’extraction de pétrole pour actionner les turbines produisant de l’électricité. Actuellement, les projets de cogénération alimentent pas moins de 40 % de l’approvisionnement en électricité en Alberta.
- Le remplacement des combustibles par de l’énergie plus sobre en carbone joue également un rôle. L’usine de gaz naturel Dawson Creek d’Arc Resources, par exemple, est alimentée à l’hydroélectricité depuis 2011. Dans ce cas-ci, l’électrification réduit les émissions liées à la production d’électricité en misant sur des sources propres plutôt que le charbon ou les gaz fossiles.
Le progrès effectué sur ce plan montre que les entreprises peuvent conjuguer activités sobres en carbone et profit. Des politiques supplémentaires, telles qu’une réglementation sur le méthane renforcée, peuvent favoriser l’adoption de ces technologies.
Les entreprises investissent également dans des « paris risqués », qui malgré leur rôle incertain, pourraient venir changer la donne.
- Les technologies de captation, d’utilisation et de stockage du carbone (CUSC) en sont un exemple. Selon la base de données sur les installations du Global CCS Institute, 21 nouvelles installations de CUSC en lien avec le gaz et le pétrole devraient être mises en service entre aujourd’hui et 2030, ce qui s’ajoute aux 12 pilotes terminés et aux autres déjà en service ainsi qu’aux 18 projets dont les échéances sont encore vagues.
- Les entreprises investissent également dans d’autres options sobres en carbone, comme la production d’hydrogène propre pour certains cas d’utilisation et l’avancement de la recherche sur les gaz naturels renouvelables et les biocarburants. Ces carburants peuvent faire baisser les émissions en servant de solution de rechange plus écologique aux combustibles fossiles.
Les politiques des gouvernements peuvent intensifier l’action du secteur pétrogazier
Malgré le progrès, les efforts de déploiement de solutions devront s’intensifier si le secteur souhaite s’aligner avec les cibles de réduction d’émission du Canada, et les gouvernements ont leur rôle à jouer.
Des mesures comme le plafond d’émissions du pétrole et du gaz ou le renforcement de la réglementation du méthane peuvent permettre d’envoyer des signaux clairs de réduction au secteur, alors que des subventions et des crédits d’impôt à l’investissement comme ceux pour la CUSC et l’hydrogène propre du gouvernement fédéral CUSC et hydrogène propre de l’Alberta permettent d’atténuer les risques des investissements dans les paris risqués. Nouveau programme de subvention du CCUS de l’Alberta permettent d’atténuer les risques des investissements dans les paris risqués.
Ces politiques peuvent accélérer le mouvement pour la réduction d’émissions et réduire les coûts dans le secteur pétrolier et gazier, sans nuire à la compétitivité du secteur dans un avenir carboneutre.
Arthur Zhang est associé de recherche à l’Institut climatique du Canada.