Skip to content

Les entreprises canadiennes doivent clarifier comment leurs cadres sont rémunérés en fonction du progrès climatique

Les politiques de rémunération des cadres dans les grandes entreprises intègrent de plus en plus la performance climatique. Est-ce assez pour changer les choses?

Quoi de neuf?

Avec l’essor des investissements environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), un nombre grandissant d’entreprises canadiennes tentent également d’intégrer l’atteinte d’objectifs climatiques au salaire de leurs cadres.

L’idée est simple, mais puissante : si une entreprise n’atteint pas ses cibles d’émissions, ses cadres sont moins payés. Toutefois, si l’entreprise en question fixe des critères de performance peu ambitieux, l’intégration des risques climatiques à la rémunération risque d’être réduite à cocher des cases sans encourager une meilleure performance.

Comme le nombre d’entreprises qui s’adonnent à cette pratique de rémunération augmente, il vaut la peine de noter les circonstances où elle est utile (et celles où elle ne l’est pas).

Plus de la moitié des entreprises du TSX 60 intègrent des critères de performance climatique à la rémunération de leurs cadres

La bonne nouvelle, c’est que de plus en plus de grandes entreprises rémunèrent leurs cadres en fonction de leur performance climatique. Aujourd’hui, c’est plus de la moitié des entreprises de TSX 60 (l’indice canadien des 60 plus grandes sociétés) qui le font, alors qu’elles n’étaient que neuf à intégrer la durabilité au salaire des cadres en 2019.

Dans notre dernière mise à jour de la Boussole des engagements climatiques des entreprises de 440 Mégatonnes, nous avons compté le nombre d’entreprises du TSX 60 qui lient leurs objectifs climatiques au salaire de leurs cadres. La Boussole indique aussi si ces entreprises ont divulgué les mesures précises qu’elles utilisent pour évaluer la performance de leurs cadres.
Entre 2021 et 2022, le nombre d’entreprises du TSX 60 qui offraient une rémunération liée au climat est passé de 29 à 39 (figure 1). Une partie de cette croissance est liée au grand nombre d’entreprises qui établissent des objectifs de réduction des émissions. En 2022, 40 entreprises du TSX 60 se sont engagées à atteindre la carboneutralité d’ici 2050 (par rapport à 35 en 2021).

Ceci montre qu’une bonne partie des entreprises canadiennes utilisent la rémunération des cadres comme outil de gouvernance pour aligner leur administration et leurs objectifs climatiques.

La rémunération au rendement ne fonctionne que si les incitatifs sont forts

Même si plus d’entreprises intègrent des objectifs climatiques à la rémunération de leurs cadres, c’est la manière dont elles mesurent et récompensent la performance qui est vraiment importante. La transparence reste un problème, particulièrement dans deux domaines (figure 2) :

Premièrement, il faut savoir quelles mesures sont employées pour évaluer la performance. Les émissions absolues de l’entreprise ou des mesures de réduction de l’intensité des émissions d’un produit, notamment, peuvent être utiles.

Présentement, des 39 entreprises du TSX 60 qui lient performance climatique et salaire, seulement 18 ont publié les mesures explicites de réduction d’émissions qu’elles utilisent pour évaluer la rémunération de leurs cadres. Plus de la moitié des entreprises du TSX 60 n’offrent aucune indication de mesures spécifiques utilisées pour lier performance et climat. Elles ont seulement déclaré que des mesures sont considérées pour fixer la rémunération des cadres.

Deuxièmement, pour faire le suivi de l’efficacité de l’intégration de composantes climatiques à la rémunération, de comprendre le poids des mesures utilisées. Le poids est important, car il permet de montrer à quel point les incitatifs financiers peuvent encourager la performance. Puisque la majorité de la rémunération des cadres est liée à des objectifs financiers, si le poids des objectifs climatiques est trop faible, la performance le sera, elle aussi.

Présentement, seulement 12 des entreprises du TSX 60 ont divulgué ces informations; le poids qu’elles accordent aux objectifs climatiques se situe entre 3,6 et 12 %, et fait souvent partie de programmes incitatifs à court terme comme les primes annuelles.

Finalement, mentionnons que plus des deux tiers (27 sur 39) des entreprises ont lié les salaires de leurs cadres à l’éventail plus large des objectifs ESG. Cette initiative démontre que ces entreprises prennent en compte certains critères autres que financiers dans leurs évaluations de performance, mais il devient parfois difficile de déterminer les mesures employées et le poids accordé pour chacune des sous-catégories lorsque les objectifs ne sont pas précisés.

Dans l’ensemble, on voit que plus de la moitié des plus grandes entreprises canadiennes liant le salaire de leurs cadres aux objectifs climatiques pourraient faire preuve de davantage de transparence dans la façon dont elles choisissent de rémunérer leurs cadres. En l’absence de plus de renseignements, il est difficile de savoir si les bons éléments ont été mis en place pour garantir l’efficacité de la rémunération liée aux objectifs climatiques : les mesures utilisées pour évaluer la performance climatique et les incitatifs financiers en place doivent être assez ambitieux pour aligner la performance des cadres avec les objectifs climatiques globaux d’une entreprise.


Arthur Zhang est associé de recherche à l’Institut climatique du Canada.