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Creuser le sujet des émissions dans l’industrie minière

L’industrie minière peut réduire ses émissions avec l’électrification et des gains d’efficacité, mais il faudra du temps, surtout pour les mines éloignées.

Il s’agit de la deuxième analyse de notre série sur l’industrie lourde.

Comment un secteur peut-il faire de l’extraction sans polluer l’atmosphère? Ce n’est que l’un des nombreux enjeux auxquels se heurte l’industrie minière dans la planification de sa transition vers la carboneutralité.

On peut analyser la situation des mines canadiennes sous plusieurs angles. Entre autres, les mines produisent des ressources essentielles pour les technologies propres, et génèrent des emplois et des revenus, mais elles posent bon nombre de problèmes environnementaux et sociaux. Dans l’analyse d’aujourd’hui, nous explorerons une seule dimension de l’industrie minière : la provenance de ses émissions et les moyens pour réduire ces dernières.

Jusqu’à présent, l’intensification de l’exploitation minière s’était traduite par une augmentation des émissions

Selon la définition de l’inventaire canadien des émissions, l’exploitation minière désigne l’extraction de tous les produits métalliques et minéraux, à l’exception des combustibles fossiles. Cela englobe plus de 100 installations qui extraient des douzaines de matériaux sur des sites sur la terre et souterrains partout au pays.

L’exploitation minière est l’un des sept sous-secteurs de l’industrie lourde, et le seul pour lequel les émissions ont augmenté depuis 2005. Dans l’ensemble, les émissions résultant de l’exploitation minière ont augmenté de trois mégatonnes, ou de 36 %, entre 2005 et 2022.

Cette augmentation s’explique par trois grands facteurs d’émissions : l’activité économique, l’intensité énergétique et l’intensité des émissions.

La figure 1 décortique les effets de ces facteurs sur l’industrie minière. En cliquant sur l’onglet historique de la figure, on comprend que cette augmentation des émissions est largement due au fait que les activités minières sont plus énergivores par unité de PIB qu’elles ne l’étaient en 2005.

La difficulté croissante d’accéder à des minerais de qualité supérieure explique en partie cette tendance, les activités minières devant se faire de plus en plus profondément ou dans des régions de plus en plus éloignées. Plus la mine est profonde ou éloignée, elle est énergivore.

Un deuxième facteur des émissions minières est l’activité économique. L’industrie minière connaît une croissance depuis 2005, ce qui a augmenté la pression sur les émissions.

Texte de remplacement, historiques : Les émissions minières ont passé de 8,1 mégatonnes en 2005 à 11 mégatonnes en 2022. L’activité économique a fait augmenter ces émissions d’une mégatonne, les changements d’intensité en énergie ont fait augmenter les émissions de quatre mégatonnes de plus, mais des améliorations de l’intensité de l’énergie ont permis de soustraire deux mégatonnes d’émissions.

Texte de remplacement, projetés : Les émissions minières devaient diminuer en passant de 11 mégatonnes en 2022 à 9,2 mégatonnes en 2030. L’activité économique devrait faire augmenter les émissions d’une mégatonne, mais les améliorations de l’intensité de l’énergie et de l’intensité des émissions devraient soustraire respectivement 0,8 mégatonne et 2 mégatonnes d’émissions de ce total.

Sur une note plus positive, la figure 1 montre également que l’industrie minière a réduit l’intensité de ses émissions par unité d’énergie, notamment grâce au passage à des combustibles à plus faible intensité en carbone. Entre 2005 et 2022, les mines ont réduit leur consommation de charbon et de coke de pétrole de 52 %, et leur utilisation de combustibles lourds de 43 %.

Toutefois, le secteur minier a largement remplacé ces produits par d’autres combustibles fossiles. Entre 2005 et 2022, l’industrie minière a pratiquement triplé sa consommation de gaz. Deux combustibles fossiles, soit le diésel et le gaz, représentaient 59 % de l’énergie totale consommée par cette industrie en 2022.

Pendant ce temps, même si les mines utilisent plus d’électricité en termes absolus, l’électricité représente une plus petite partie de leur bouquet énergétique qu’auparavant, elle qui est passée de 37 % en 2005 à 33 % en 2022. Cette proportion doit augmenter de manière importante si l’on veut parvenir à décarboniser l’industrie minière.

La plupart des émissions minières ont une solution électrique

Comme c’est le cas pour une bonne partie de l’économie canadienne, une industrie minière carboneutre sera largement alimentée par l’électricité.

La plupart des émissions des mines proviennent des combustibles fossiles utilisés pour alimenter l’équipement et réchauffer ou rafraîchir le site minier, les matériaux et les travailleurs. Toutes ces émissions ont des solutions électriques. Le secteur minier pourra éliminer la plupart de ses émissions provenant de l’équipement et du transport s’il utilise des foreuses électriques, des transporteurs électriques, des véhicules de transport du personnel électriques et plus encore, et répondre à la plupart de ses besoins de température avec des thermopompes industrielles.

Le passage à l’électricité offre de précieux avantages collatéraux. En remplaçant les équipements alimentés par des combustibles comme le diésel par des équipements électriques, on peut réduire grandement la quantité de ventilation requise, et ainsi protéger la santé des travailleurs et réduire en même temps les coûts d’exploitation.

L’onglet facteurs projetés de la figure 1 permet de visualiser les conséquences attendues de ces changements. Les améliorations dans l’intensité des émissions et les gains d’efficacité réalisés dans le cadre des politiques climatiques du Plan de réduction des émissions pour 2030 du Canada permettront d’éliminer près de trois mégatonnes d’émissions de l’industrie minière en 2030. L’électrification, qui agit sur le plan de la réduction à la fois de l’intensité des émissions de combustibles et des besoins énergétiques totaux, contribue à ces deux facteurs.

La transition vers l’électrification de l’exploitation minière est déjà commencée. La première mine entièrement électrique au Canada a vu le jour en 2019, et plusieurs autres mines ont depuis cessé d’utiliser des combustibles fossiles.

Il est possible de décarboniser complètement le secteur, mais il faudra du temps

Même si les solutions aux émissions minières sont à notre portée, il ne reste pas moins d’obstacles sur le parcours.

Comme les autres secteurs qui planifient leur transition électrique, l’industrie minière a besoin d’un réseau électrique plus grand, plus propre et plus intelligent. ans une étude de cas portant sur une mine australienne, on a découvert que l’électrification a pu réduire les besoins énergétiques de 49 %, mais nécessiterait de deux à trois fois plus d’électricité. En plus de la production supplémentaire qu’elles nécessitent, les nouvelles mines, et, possiblement, les mines existantes, auront besoin de nouveaux réseaux de transport et de distribution, ou de réseaux élargis. Il faudra du temps pour construire ces infrastructures, particulièrement si elles doivent être bâties dans le respect des droits et des titres autochtones, ou dans des zones écologiquement vulnérables.

Pour la dizaine de mines hors réseau du Canada, l’électrification sera un encore plus grand défi. Non seulement il sera plus difficile de raccorder ces mines au réseau, mais les énergies renouvelables sont moins efficaces dans les latitudes septentrionales, où la plupart des mines éloignées sont situées. Ces installations nécessiteront probablement un mélange de solutions pour la décarbonisation, qui devra inclure des énergies renouvelables, du stockage, et possiblement des biocombustibles, de la géothermie, voire des petits réacteurs modulaires.

Le secteur minier est exposé à la fluctuation du prix des marchandises, et c’est ce qui peut le rendre frileux à entreprendre d’importants nouveaux investissements de capitaux. Donc, bien que l’électrification puisse permettre d’économiser de l’argent à long terme, l’industrie minière pourrait avoir besoin, dans certains cas, de soutien ciblé pour absorber les coûts en amont. Il faudra aussi du temps pour concevoir les infrastructures nécessaires à l’électrification. Comme l’illustre la figure 2, un secteur minier carboneutre accélérera probablement la réduction de ses émissions dans le milieu des années 2030 jusqu’au début des années 2040.

L’exploitation minière peut à la fois incarner et encourager la croissance propre

Il y a trois catégories de politiques qui peuvent garder le secteur minier sur la trajectoire vers la carboneutralité.

D’abord, la tarification industrielle du carbone. L’exploitation minière est un exemple classique d’industrie à la fois très polluante et très exposée au commerce international. Les systèmes de tarification du carbone au Canada ont été conçus pour encourager ces secteurs à se décarboniser tout en les protégeant des compétiteurs de territoires ayant des politiques climatiques moins contraignantes.

Les gouvernements jouent également un rôle important dans les innovations de l’industrie minière en finançant la recherche et le développement industriels connexes, en menant des recherches originales, et en favorisant la création de normes industrielles qui récompensent la haute performance environnementale.

Enfin, les gouvernements peuvent continuer à encourager l’électrification et l’efficacité du secteur minier par des moyens ciblés. Par exemple, certains programmes gouvernementaux ont aidé au déploiement d’énergies renouvelables dans les mines du nord. Les mines font partie des industries qui peuvent faire une demande de fonds publics pour des vérifications énergétiques.

Le Canada est très bien placé pour être un chef de file en matière d’exploitation minière sobre en carbone. Dans un contexte où investisseurs et acheteurs surveillent de plus en plus près les émissions des activités, le pays ne peut se contenter de viser l’extraction des minéraux et des matériaux. Ce leadership nécessite non seulement que les mines canadiennes contribuent à la croissance propre, mais également qu’elles incarnent la croissance propre.

Ross Linden-Fraser est associé de recherche principal à l’Institut climatique du Canada.