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Couper dans le gras des déchets alimentaires, une bonne façon de réduire les émissions et d’économiser pour les ménages

La consommation et l’élimination de produits alimentaires canadiens génèrent chaque année 58 mégatonnes (Mt) d’émissions de carbone intrinsèques. En s’attaquant au gaspillage, on pourrait retrancher plus de 6 Mt de ces émissions, tout en allégeant le fardeau économique des ménages.

Quoi de neuf?

L’achat de nourriture de provenance canadienne représente 58 Mt d’émissions de carbone intrinsèques – 48,7 Mt des ménages et 9,6 Mt de la restauration et des services alimentaires. Pour mettre les choses en perspective, les émissions de carbone intrinsèques à l’achat de produits alimentaires locaux de tous genres équivalent, grosso modo, aux émissions combinées des secteurs du raffinage du pétrole, du ciment et du béton, du fer et de l’acier et des produits chimiques.

Dans sa démarche de carboneutralité, le Canada ne pourra pas ignorer les émissions du secteur alimentaire. Un bon point de départ serait de réduire la quantité considérable de déchets générés par les ménages, les restaurants et les services alimentaires. Il pourrait ainsi aller chercher plus de 6 Mt de réduction d’émissions, alléger le fardeau financier des ménages et diminuer la pollution de l’eau et la perte de biodiversité.

Les émissions issues des déchets alimentaires, plus que des miettes

En 2020, environ 6,4 millions de tonnes de déchets alimentaires ont fini dans les ordures au Canada, soit environ 20 % de la nourriture consommée à la maison ou achetée ailleurs. De ces rebuts, environ 40 % auraient pu être consommés; la différence représente des pertes inévitables, soit des restes de tables et de cuisine (Van Bemmel et Parizeau, 2020). Et ce gaspillage évitable coûte, assoyez-vous bien, 12,8 milliards de dollars par année. À ce gouffre économique s’ajoutent des répercussions climatiques, deux sources majeures d’émissions intrinsèques générées par les déchets alimentaires évitables :

  1. Les émissions issues de la production et du transport des aliments, ou émissions de portée 3, sont intrinsèques à la nourriture consommée. Pour estimer la part d’émissions intrinsèques évitables des déchets alimentaires, il faut calculer la quantité et l’intensité carbonique de la nourriture gaspillée. On estime la quantité de déchets alimentaires évitables générés par une famille de quatre à 326 kg par année, en présumant que 40 % des déchets alimentaires envoyés aux sites d’enfouissement pourraient être évités. Ces ordures représentent une dépense évitable de 940 $. En nous servant de la base de données sur l’intensité carbonique du Canada du projet 440 mégatonnes et en réduisant l’intensité carbonique de la nourriture des ménages à 25 % pour éviter le double comptage des émissions dans la chaîne d’approvisionnement, nous avons évalué les émissions de portée 3 issues des déchets alimentaires à 470 kg d’équivalent CO2 par famille par année.
  2. Les déchets alimentaires envoyés aux sites d’enfouissement génèrent du méthane, un gaz à effet de serre. Nous utilisons la base de données sur l’intensité carbonique du Canada pour calculer les émissions en amont et les émissions liées à l’élimination des déchets solides indiquées dans le Rapport d’inventaire national pour mesurer les émissions liées à l’élimination de la nourriture. Dans les sites d’enfouissement, les émissions issues des déchets alimentaires ménagers seraient de 172 kg d’équivalent CO2 par personne par année. Si 40 % des rebuts de ce type sont évitables, c’est donc dire que, pour une famille de quatre, les émissions intrinsèques du gaspillage représentent 276 kg d’équivalent CO2.

Pour une famille de quatre, les émissions intrinsèques totales issues des déchets alimentaires s’élèvent à 746 kg d’équivalent CO2 par année. Ainsi, les émissions totales provenant des déchets alimentaires évitables de la population canadienne avoisinent 6 Mt par année.

Les gouvernements doivent s'attaquer au gaspillage alimentaire et à d'autres enjeux

Les émissions issues des déchets alimentaires sont assez élevées pour que tous les ordres de gouvernement en fassent une priorité dans l’élaboration de leurs plans pour atteindre 440 mégatonnes de réduction d’ici 2030 et la carboneutralité par la suite. Lorsqu’on tient compte des autres retombées environnementales – ralentissement de la perte de biodiversité et diminution de la pollution de l’eau – ainsi que des économies potentielles pour les ménages, il ne manque pas d’arguments politiques pour lutter contre le gaspillage alimentaire.

S’il s’agit d’un bon point de départ pour réduire les émissions du secteur alimentaire canadien, il reste fort à faire. Par exemple, en renforçant la réglementation sur les émissions de méthane des sites d’enfouissement et en injectant des capitaux pour les municipalités qui n’ont pas les moyens d’investir dans des projets de valorisation énergétique des déchets, on pourrait réduire grandement le coût de l’élimination des déchets alimentaires en fin de vie. De plus, pour inciter les producteurs agroalimentaires à s’attaquer aux émissions en amont, il faudrait mettre fin à l’exemption de redevance sur les combustibles liquides utilisés dans le cadre d’activités agricoles. Restez à l’affût pour d’autres analyses sur les moyens que pourrait prendre le Canada pour couper dans le gras des émissions générées par les produits alimentaires canadiens.  


Seton Stiebert est conseiller pour le projet 440 mégatonnes et conseiller principal de Stiebert Consulting. Dave Sawyer est économiste principal à l’Institut climatique du Canada.