Comme en témoigne la Colombie-Britannique, les codes du bâtiment peuvent aider les provinces à entreprendre la transition du gaz à l’électrique dans le chauffage résidentiel.
Un appareil de chauffage peut durer des dizaines d’années, ce qui veut dire que les systèmes installés par les propriétaires et les promoteurs aujourd’hui risquent de freiner la décarbonisation pendant encore longtemps. Pour atteindre les objectifs climatiques du Canada, il faudra donc remplacer les appareils actuels, un changement qui peut s’avérer complexe et coûteux. Il serait possible de faire d’importantes économies en optant pour un nouveau stock de capital carboneutre dès le départ. Les codes du bâtiment constituent d’ailleurs un moyen concret pour s’assurer que les nouvelles constructions et les nouveaux appareils de chauffage répondent aux objectifs de carboneutralité.
La Colombie-Britannique tire un trait sur le gaz
Le remplacement du chauffage à combustible fossile par le chauffage électrique est un grand facteur de réduction des émissions issues des bâtiments. Mais pour certaines provinces, la transition est plus difficile. À l’heure actuelle, plus de la moitié des appareils de chauffage de l’Alberta, de l’Ontario, de la Saskatchewan et de la Colombie-Britannique sont au gaz, et les chaumières du Canada atlantique et des régions nordiques dépendent largement du mazout. Le gouvernement fédéral prévoit une enveloppe de 250 millions de dollars pour aider les ménages à remplacer le mazout par la thermopompe, mais il n’existe pas de programme équivalent pour le chauffage au gaz.
Plus tôt cette année, l’Institut climatique du Canada et Navius Research ont simulé le Plan de réduction des émissions pour 2030 du gouvernement fédéral. Notre analyse des politiques déjà annoncées par le fédéral, les provinces et les territoires indique que, parmi les quatre provinces dépendantes au gaz pour le chauffage résidentiel, c’est la Colombie-Britannique qui aura la transition la plus rapide vers l’électricité avant la fin de la décennie (figure 1). Qu’est-ce que cette province a de plus que les autres? Non seulement son électricité est relativement abondante et abordable, mais elle est la seule province du Canada à s’être dotée de plans clairs pour inscrire la carboneutralité dans le code du bâtiment.
Figure 1 : La Colombie-Britannique se démarque des autres provinces comparables par la rapidité de sa transition du gaz vers l’électricité dans le chauffage résidentiel
En 2021, le gouvernement britanno-colombien s’est engagé à mettre à jour le code du bâtiment provincial pour que toutes les nouvelles constructions soient carboneutres d’ici 2030. Il a également résolu d’intégrer des normes d’efficacité pour faire en sorte qu’après 2030, tout équipement acheté et installé dans la province soit au moins efficace à 100 % (l’efficacité des thermopompes peut dépasser 100 % puisqu’elles consomment moins d’énergie qu’elles en produisent).
Notre analyse montre qu’en tenant compte des politiques fédérales et provinciales actuelles – y compris les codes du bâtiment et normes d’efficacité dont vient de se doter la Colombie-Britannique – la consommation de gaz dans les résidences de la province diminuera de 35 % d’ici la fin de la décennie, en passant de 60 % du parc d’appareils en 2019 à environ 39 % en 2030.
D’ici 2030, nos prévisions indiquent que le gaz sera rapidement remplacé par l’électricité pour le chauffage et la climatisation. Combinés, le chauffage par résistance électrique et les thermopompes passeront de 35 % du parc total en 2019 à 56 % en 2030.
En comparaison, il existe des politiques comme la tarification du carbone et des rabais sur les thermopompes en Alberta, en Saskatchewan et en Ontario, mais ces provinces n’ont pas pris d’engagements officiels quant à des codes du bâtiment carboneutres et des normes d’efficacité des appareils plus rigoureuses. On y prévoit beaucoup moins de changement au cours des prochaines années, la majorité du parc d’appareils de chauffage résidentiel fonctionnant encore au gaz. En Alberta, par exemple, la consommation de gaz demeurera constante dans les années à venir, avoisinant 94 % du parc total (figure 2).
Figure 2: Les politiques actuelles ne suffisent pas à déloger le gaz du sommet en Alberta
En somme, bien que les mesures incitatives fédérales et provinciales pour le chauffage sobre en carbone puissent engendrer des changements graduels, elles n’entraînent pas la transformation nécessaire pour réduire les émissions dans le secteur.
La balle est dans le camp des provinces
Le code du bâtiment représente un moyen prometteur pour réduire les émissions du secteur résidentiel, et les provinces ont un rôle prépondérant à jouer. Bien que le gouvernement fédéral propose des modèles de code du bâtiment, ce sont les provinces et territoires, et dans certains cas les municipalités, qui les adoptent.
L’adoption de codes fédéraux par les provinces s’est faite plutôt rare jusqu’à maintenant, mais la situation est sur le point de changer. Le gouvernement fédéral compte élaborer un modèle de code carboneutre d’ici 2024 et l’ensemble des provinces et des territoires ont accepté d’harmoniser leur code du bâtiment avec les recommandations nationales l’année suivante.
Mais rien n’empêche les provinces de devancer l’initiative du fédéral. Elles peuvent se démarquer en s’engageant à adopter des codes et des normes plus stricts que les exigences fédérales minimales.
Les provinces peuvent aussi accorder aux municipalités la possibilité de fixer des codes plus ambitieux que ceux de la province, comme l’ont fait la Colombie-Britannique et d’autres provinces. Par exemple, Vancouver a pris une longueur d’avance en adoptant en 2020 un règlement de construction qui exige que tous les nouveaux immeubles de faible hauteur soient équipés d’appareils pour le chauffage de l’eau et de l’air carboneutres. De même, le Québec a banni le chauffage au mazout des nouvelles constructions et prévoit interdire le remplacement de chaudières au mazout par un système à combustible fossile.
Plus les provinces tardent à mettre en place un code du bâtiment carboneutre et des normes d’efficacité rigoureuses, plus la réduction des émissions du secteur et l’atteinte des cibles climatiques du Canada seront ardues.
Anna Kanduth est associée de recherche principale à l’Institut climatique du Canada.