La transition énergétique s’accélère et les consommateurs de pays comme le Canada économiseront.
La publication annuelle du World Energy Outlook est l’un des événements les plus attendus par les acteurs de l’énergie. Produit phare de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), ce rapport expose des scénarios sur l’avenir du système énergétique mondial.
Cette année, on peut en tirer une série de messages marquants sur l’accélération de la transition énergétique. L’équipe de 440 mégatonnes a choisi de se concentrer sur quatre éléments primordiaux pour le Canada.
1. L’avenir est à l’électricité propre
Les trois scénarios du World Energy Outlook 2023 montrent que les systèmes énergétiques du monde entier s’électrifient de plus en plus. En outre, ils deviendront plus grands, plus propres et plus intelligents pour répondre à la demande grandissante.
L’AIE pointe plusieurs signes indiquant que la transition vers l’électricité propre est en cours, de l’accélération de l’adoption de la thermopompe et des véhicules électriques à la proportion grandissante des investissements dans le secteur. En ce qui concerne l’avenir, les trois scénarios de l’AIE prévoient une croissance importante de la production d’électricité, qui augmentera de 86 % à 168 % d’ici 2050.
À mesure que les systèmes électriques grandissent, ils deviennent plus propres. Le rapport mentionne qu’en 2023, on devrait ajouter 500 gigawatts à la capacité d’électricité renouvelable mondiale, pour atteindre un nouveau sommet. D’ici 2030, même le scénario de politiques en place (STEPS), selon lequel les pays ne prennent aucune mesure climatique supplémentaire, prévoit que les ressources renouvelables représenteront 80 % de la nouvelle capacité d’électricité.
Le Canada occupe une place favorable dans cette course vers des réseaux électriques plus grands, plus propres et plus intelligents. Le pays, déjà peu émetteur dans cette catégorie, a de fortes politiques en place, comme le Règlement sur l’électricité propre proposé et les crédits d’impôts fédéraux qui inciteront les gouvernements et les investisseurs à bâtir des réseaux d’électricité propre. L’analyse de l’AIE met l’accent sur la possibilité de la transition déjà enclenchée.
2. La transition énergétique, source d’économie pour les consommateurs des économies avancées
La transition vers l’énergie propre peut également faire économiser les consommateurs.
Selon les trois scénarios du World Energy Outlook, la population des pays développés comme le Canada peut s’attendre à voir sa facture d’énergie diminuer à mesure que la transition énergétique progresse. L’analyse de l’AIE indique une baisse de 20 % à 40 % d’ici 2050 dans les pays développés, et présente les plus grandes économies dans les scénarios de mesures climatiques ambitieuses.
Le rapport indique même que les consommateurs feront des économies nettes – toutefois moindre que celles sur les factures d’énergie – lorsque l’on tient compte du coût en capital des technologies propres. Cette économie s’explique par les gains en efficacité des technologies électrifiées comme la thermopompe et les véhicules électriques, qui font plus que compenser le coût initial.
Cette analyse s’inscrit en droite ligne avec l’analyse de l’Institut climatique du Canada, selon laquelle la population canadienne dépensera environ 12 % moins en énergie, coûts en capital compris, à mesure que le pays passe des combustibles fossiles à l’électricité propre.
3. La demande en combustibles fossiles atteindra un sommet, puis diminuera avant 2030
Au moment où la demande en électricité propre croît, l’AIE précise que celle en combustible fossile diminuera, et ce, plus rapidement que prévu. Pour la première fois, les trois scénarios du World Energy Outlook prévoient une hausse – et un déclin – de la demande en combustibles fossiles avant 2030.
La baisse de demande en combustibles fossiles signifie que les investissements se déplaceront vers l’énergie propre, laissant les producteurs de combustibles fossiles faire concurrence pour des fonds dans un bassin toujours plus petit. L‘avenir est donc plus incertain pour le secteur pétrogazier canadien.
À mesure que les investisseurs et consommateurs délaissent les combustibles fossiles, la production de gaz et de pétrole diminuera partout, y compris au Canada. Dans un rapport plus tôt cette année, la Régie de l’énergie du Canada a étudié des scénarios où le Canada et le monde atteignent la carboneutralité à l’horizon 2050. Dans ces scénarios, la Régie a découvert que la demande en produits pétroliers diminuera abruptement, et que la production pétrolière canadienne suivra cette tendance.
Ces prévisions illustrent pourquoi les décideurs doivent soigneusement calibrer le financement public pour décarboner le secteur pétrogazier canadien. Du point de vue de l’Institut climatique du Canada, ces derniers devraient adopter un ensemble de politiques combinant des mesures de réduction des émissions strictes avec du financement ciblé favorisant la compétitivité du secteur à long terme.
4. Il reste encore beaucoup de travail à faire
Le World Energy Outlook 2023 contient plusieurs messages positifs concernant le progrès mondial vers des systèmes énergétiques propres, et ultimement, une baisse des émissions. Mais il reste encore beaucoup de pain sur la planche. L’électricité propre croît rapidement, mais cette croissance doit s’accélérer davantage si l’on veut atteindre la carboneutralité en 2050. Les coûts en énergie peuvent diminuer pour la population de pays développés, mais ces derniers bénéficieraient d’un meilleur accès au financement de l’énergie propre. Essentiellement, il existe encore des façons de limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré, mais elles ne sont pas encore mises en pratique.
Les scénarios de l’AIE sont prometteurs, mais la balle est maintenant dans le camp de pays comme le Canada pour ce qui est de concrétiser les progrès annoncés.
Ross Linden-Fraser est associé de recherche principal à l’Institut climatique du Canada