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Ramener le transport en commun sur la voie de la carboneutralité

Pour éviter une « spirale de la mort », tous les ordres du gouvernement doivent travailler ensemble pour bâtir des réseaux de transport en commun fiables, abordables et carboneutres.

Il est facile d’imaginer l’avenir du transport comme une route remplie de voitures électriques. Cependant, un paysage routier carboneutre implique bien davantage que des voitures électriques : il passe également par une meilleure adhésion au transport actif ou au transport en commun. Dans la foulée des efforts du fédéral pour couper la part de 11 % des émissions globales qui est issue du transport de personnes, les gouvernements ne devraient pas négliger le grand potentiel du transport collectif.

Les réseaux de transport en commun contribuent déjà à réduire les émissions du Canada. Les autobus, les tramways et les métros, qui transportent plus de personnes et occupent moins d’espace que les véhicules privés, réduisent la circulation et la congestion, évitant une quantité estimée de 4,7 mégatonnes (Mt) d’émissions par année en plus d’aider à réduire la pollution de l’air. Notre analyse montre que le transport en commun pourrait permettre de sauver 8 Mt d’émissions supplémentaires d’ici 2030, ce qui dépasse les réductions promises par l’électrification des voitures.

Afin de concrétiser ces réductions significatives, le transport collectif doit gagner en popularité et être décarbonisé.

Déjà, en temps normal, ce sont des buts difficiles à atteindre. Mais les conséquences de la pandémie sur les choix de moyen de transport – et les moyens financiers des sociétés de transport en commun – menacent de freiner le Canada dans son élan.

La COVID-19 et la « spirale de la mort »

Les gens n’emprunteront le transport en commun que si ce dernier est accessible et pratique. Comme le montrent les données du recensement du Canada, les gens sont plus susceptibles d’utiliser le transport en commun lorsqu’ils habitent et travaillent près d’arrêts d’autobus – et lorsqu’ils vivent en zone urbaine. Même avant la pandémie, seulement 12 % des usagers de la route au Canada utilisaient le transport en commun pour aller au travail.

Puis il y a eu la COVID-19. La pandémie a été un coup dur pour les réseaux de transport collectif, puisque beaucoup de personnes se sont mises à travailler de la maison ou à fuir les autobus et les métros. Puisque les sociétés de transport dépendent des tarifs pour couvrir la majorité de leurs coûts d’exploitation, ils ont dû réduire leur offre de services ou demander des fonds d’urgence aux gouvernements fédéral, provinciaux ou territoriaux pour survivre. Les réseaux de transport sont maintenant dans une position précaire. Pour la majorité, il n’y a plus de subventions d’urgence et le taux de fréquentation remonte, mais seulement à près de 70 % de son niveau d’avant la pandémie.

Quelques signes permettent de conclure que les réseaux de transport n’ont pas les ressources nécessaires pour rétablir – encore moins augmenter – leur taux de fréquentation. Tandis que la Colombie-Britannique a pris des mesures financières supplémentaires pour aider Vancouver à garder son service de transport actif, d’autres municipalités entendent mettre fin à leurs services de transport en commun cette année en raison du peu d’usagers et des maigres revenus. Une recherche suggère qu’il s’agit d’un cercle vicieux : la fameuse « spirale de la mort » du transport en commun : de plus petits budgets rendent le service moins accessible, moins pratique et de moindre qualité, ce qui décourage les gens de l’utiliser.

Accélérer la transition vers des parcs carboneutres

Ensuite, il y a la question de la décarbonisation. Jusqu’à maintenant, le Canada progresse lentement dans la décarbonisation de son parc de transport en commun.

À long terme, les réseaux de transport collectif bénéficieront de l’électrification, puisque les véhicules zéro émission ont des coûts opérationnels moins élevés que ceux des véhicules à diésel ou au pétrole. Par contre, à court terme, les véhicules à émission zéro s’accompagnent de coûts plus élevés en capitaux et exigent un travail complexe de mise en place des infrastructures de recharge, de rénovation des installations et formation du personnel.

Le gouvernement fédéral prévoit offrir des fonds aux municipalités pour couvrir ces coûts supplémentaires et s’est engagé à mettre en service 5 000 autobus électriques au Canada d’ici 2026. Cependant, il reste bien du travail à faire pour atteindre cet objectif, avec seulement 639 autobus carboneutres actuellement ou bientôt en service à ce jour. Un nouvel approvisionnement récemment annoncé aidera à combler cette lacune.

Exploiter tout le potentiel de solution climatique du transport en commun

Chaque ordre de gouvernement a son rôle à jouer pour renforcer les réseaux de transport en commun du Canada.

L’accessibilité influençant fortement l’attrait de ce mode de déplacement, il est crucial que les sociétés de transport en commun disposent de fonds d’exploitation suffisants pour offrir un service fréquent, commode et sûr. Les réseaux essuient encore les contrecoups de la pandémie, et c’est l’occasion rêvée pour les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux d’investir, ne serait-ce qu’en raison de la facilité d’accès au crédit.

Les administrations municipales et régionales disposent aussi d’autres outils pour encourager l’utilisation du transport en commun; grâce aux données localisées sur la démographie des usagers et les zones propices à une croissance de la demande, elles sont bien placées pour orienter le développement des réseaux et les initiatives de promotion du service. Les municipalités ont également plus de possibilités d’innover. Par exemple, dans une optique d’abordabilité, certaines villes ont décidé d’offrir du transport gratuit : à Calgary, on peut monter sans frais à certaines stations du C-Train, et à Victoria, les jeunes de 18 ans et moins se déplacent gratuitement.

La transition vers un parc de véhicules carboneutres requerra ce genre de coordination intergouvernementale; les paliers supérieurs assumeront la majorité des frais de cette transition, ce qui leur confère l’autorité naturelle pour définir et diffuser les pratiques exemplaires. Les municipalités, les sociétés de transport et les services publics pourront s’occuper du travail plus pointu de la décarbonisation, comme l’établissement d’une stratégie efficace et économe pour l’alimentation des véhicules à émission zéro. À Vancouver, TransLink a collaboré avec BC Hydro pour assurer au réseau municipal un tarif d’électricité adapté et une exemption à la prime de puissance.

Un transport en commun fiable, adorable et carboneutre est un projet véritablement collectif. Plus les gouvernements travailleront étroitement, plus nous serons susceptibles de voir des réseaux qui répondent aux besoins de la population – et aux cibles d’émissions – du Canada.


Ross Linden-Fraser est associé de recherche principal à l’Institut climatique du Canada.