Les projets prévus au pays pourraient faire croître la capacité d’électricité propre d’un tiers
La transition vers l’électricité propre au Canada a récemment fait les manchettes en raison de frictions entre les provinces et le gouvernement fédéral. C’est à croire qu’on a tué l’électrification propre du Canada dans l’œuf.
Il faut plutôt regarder de plus près ce que fait chaque province : les progrès sont déjà remarquables, et ce n’est que le début. La plupart des provinces élargissent leur réseau d’électricité avec d’énormes investissements dans de nouvelles installations de production d’électricité sans émissions.
Voilà une bonne nouvelle pour les objectifs climatiques et l’avenir économique du Canada. L’électricité propre sera essentielle pour l’atteinte des cibles nationales d’émissions. Elle créera des perspectives d’emploi pour une main-d’œuvre qualifiée agréée. Et elle devient petit à petit un incontournable pour les grands investissements des entreprises au pays.
Le Canada produit déjà beaucoup d’électricité propre… et ce n’est pas fini
Le Canada est déjà dans une position enviable : son réseau est l’un des plus propres au monde. Près de 85 % de l’électricité au pays est non polluante, et ce nombre ne devrait qu’augmenter.
Actuellement, les projets d’électricité propre planifiés ou en construction devraient accroître d’un tiers la capacité d’électricité propre du Canada. Selon des données de S&P Global, si tous ces projets d’électricité propre sont bien mis en œuvre, la capacité augmenterait de 32 % (figure 1).
Outre l’hydroélectricité, la capacité des autres technologies propres devrait doubler. Cette croissance serait due en grande partie à des projets d’éolien et de solaire, qui comptent ensemble pour plus de deux tiers de la nouvelle capacité. Les projets devraient aussi surpasser la diminution de capacité due aux fermetures prévues – notamment de centrales nucléaires en Ontario –, pour une augmentation nette de 51 701 mégawatts (MW) au pays.
Les mesures provinciales et territoriales à la loupe
Les provinces et territoires ont le pouvoir d’intervenir en matière d’électricité; alors, que font-ils? Chacun a un portefeuille unique de production d’électricité et ses propres structures commerciales et réglementaires, ce qui complexifie le portrait global. Mais ne vous y trompez pas, des projets d’électricité propre sont en effet planifiés ou en construction partout au pays (figure 2). Si l’on prend en compte les promesses actuelles des provinces et des territoires, la capacité d’électricité propre ne devrait que croître encore davantage.
Au Québec, comme premier pas pour doubler la production d’électricité d’ici 2050, Hydro-Québec investira jusqu’à 185 milliards de dollars dans les 12 prochaines années seulement. Ce premier investissement vise à améliorer la fiabilité du réseau, à construire une capacité de production d’énergie renouvelable de 15 000 MW, à doubler les économies liées à l’efficacité énergétique et à élargir considérablement le réseau.
L’Ontario prévoit bâtir des installations de production d’énergie renouvelable de 5 000 MW et de petits réacteurs nucléaires modulaires, renouveler le parc hydroélectrique et nucléaire, améliorer les liens avec le réseau du Québec et élaborer des projets de stockage de longue durée (comme le pompage hydraulique), en plus de faire les plus grands ajouts de stockage par batterie au Canada.
En Colombie-Britannique, le service public provincial s’est donné la mission de bâtir l’équivalent de 3 000 gigawattheures d’installations d’électricité renouvelable chaque année dès 2028 en lançant un nouvel appel de propositions.
Au Manitoba, le premier ministre Wab Kinew a demandé au cabinet de rendre le réseau carboneutre d’ici 2035 pour appuyer le plan de carboneutralité à l’échelle de la province d’ici 2050, et prévoit doubler ou même tripler la capacité du réseau dans les vingt prochaines années.
Le Canada atlantique se trace un parcours semblable. Terre-Neuve-et-Labrador mise tout sur une quantité importante d’énergie éolienne terrestre. L’Île-du-Prince-Édouard accroît sa capacité solaire. Le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse ont accepté de travailler avec le gouvernement fédéral pour éliminer ce qui reste de leurs installations au charbon.
Le défi sera le plus grand pour les territoires, mais le Yukon, les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut ont déjà pris des mesures importantes pour garantir la propreté, la fiabilité et l’abordabilité de l’électricité.
La Saskatchewan s’est engagée à accroître ses ressources d’électricité propre de 40 à 50 % d’ici 2030, ce qui réduirait les émissions du réseau environ de moitié par rapport aux niveaux de 2005. D’ailleurs, SaskPower prévoit ajouter 3 000 MW d’électricité renouvelable au réseau d’ici 2035.
Enfin, l’Alberta accueille la grande majorité des nouveaux investissements dans l’éolien et le solaire au Canada depuis plusieurs années, et a officiellement fini de se débarrasser du charbon ce mois-ci. C’est l’une des plus grandes réussites des politiques de réduction des émissions de l’histoire du Canada, que l’on doit en grande partie au système de tarification du carbone industriel de la province. Même si les réformes du marché et du réseau de transport récemment annoncées par le gouvernement suscitent de l’incertitude dans le secteur, des changements positifs se concrétisent en parallèle. Par exemple, des changements réglementaires récemment mis en œuvre permettront d’augmenter le stockage d’énergie pour appuyer la croissance de la proportion du renouvelable dans le réseau.
Meilleures politiques, meilleurs résultats
Il y a encore beaucoup de pain sur la planche pour soutenir les réseaux plus grands, plus propres et plus intelligents dont le Canada a besoin. D’ici 2050, la capacité de production d’électricité du pays devra être de 2,2 à 3,4 fois plus grande qu’aujourd’hui.
Les provinces et territoires font déjà les premiers pas les plus importants. Les mesures prises mettent le pays sur la bonne voie pour lui assurer l’accès au réseau d’électricité vaste, abordable et fiable dont il a besoin, aujourd’hui et demain.
Les progrès sont indéniables. Ne nous arrêtons pas maintenant.
Jason Dion est directeur principal de la recherche à l’Institut climatique du Canada. Arthur Zhang est associé de recherche à l’Institut climatique du Canada.