Les thermopompes gagnent en popularité, mais pas encore assez pour atteindre les objectifs climatiques de 2030 du Canada
Il n’y a pas à dire, les thermopompes ont la cote de nos jours au Canada. Les récits de leur adoption, et l’annonce de nouveaux fonds publics pour encourager le mouvement, font la manchette presque quotidiennement; il n’est donc pas surprenant que le public canadien s’y intéresse de plus en plus (figure 1).
L’intérêt croissant pour ces appareils est une bonne nouvelle pour les Canadiens, et aussi pour le climat. Les thermopompes sont en effet alimentées à l’électricité, et non aux combustibles fossiles, ce qui en fait une partie de la solution aux émissions tenaces dans le secteur du bâtiment. Elles sont aussi remarquablement écoénergétiques – jusqu’à deux à cinq fois plus que les fournaises au gaz – car elles déplacent la chaleur au lieu de la créer. Vu ce caractère peu énergivore, elles allègent considérablement la facture de chauffage, ce qui contribue à en faire l’option la plus abordable pour la plupart des ménages canadiens. De plus, en offrant à la fois chauffage et climatisation, les thermopompes aident les ménages à supporter les vagues de chaleur, particulièrement dans les provinces comme la Colombie-Britannique où les gens n’ont souvent aucun système de climatisation pour faire face aux étés toujours plus chauds. Pour toutes ces raisons et plus encore, il est évident que les Canadiens qui ont opté pour une thermopompe sont satisfaits de leur choix.
L’intérêt croissant pour les thermopompes se traduit-il en installations dans les maisons canadiennes? En bref : oui, mais vraiment pas assez vite.
Les Canadiens se réchauffent à l’idée des thermopompes, particulièrement dans les Maritimes
Dans la dernière décennie, un nombre croissant de ménages on fait le choix d’une thermopompe. Selon l’enquête sur les ménages et l’environnement de Statistique Canada, la part de ces appareils comme système de chauffage principal a doublé entre 2013 et 2021, passant de 3 % à 6 % (figure 2). Une autre enquête de Statistique Canada a rapporté qu’en 2023, 7 % des ménages canadiens disaient utiliser une thermopompe.
Même si le gouvernement du Canada ne déclare pas les ventes de thermopompes – alors qu’il le fait de façon trimestrielle pour les véhicules électriques –, un calcul à partir des données de l’industrie montre qu’en 2022, les Canadiens ont acheté 36 000 thermopompes centrales, ce qui représente une augmentation de 18 % par rapport à 2018. De plus, à en croire ce que racontent les entreprises, les ventes de thermopompes continueraient de s’accélérer en 2023.
Le passage à la thermopompe se fait bien plus rapide dans certaines régions que d’autres. C’est le cas particulièrement dans les Maritimes, où elle est déjà le système de chauffage principal de plus de 20 % des ménages, en partie grâce aux politiques fortes des gouvernements. En tête de peloton : le Nouveau-Brunswick, où 32 % des ménages avaient une thermopompe pour système de chauffage principal en 2021 – soit trois fois plus qu’en 2013.
L’adoption est tout de même trop lente pour que le Canada atteigne son objectif de 2030
S’il y a une augmentation constante du nombre de thermopompes dans les ménages canadiens d’année en année, la part du chauffage résidentiel total qu’elles représentent a crû moins rapidement. Selon nos calculs (basés sur les données nationales de consommation d’énergie), cette part aurait augmenté à un taux annuel de 1,6 % entre 2013 et 2020 (Figure 3).
Si la part du marché des systèmes de chauffage principal est un indicateur important de l’adoption de la technologie, la contribution de celle-ci au chauffage résidentiel total offre une perspective encore plus englobante de la transition des combustibles fossiles vers les thermopompes. Certes, la hausse de ce côté est encore plus lente, mais il ne faut pas s’en étonner : en plus de se mesurer à l’aide de méthodologies et de sources de données différentes, l’augmentation est tempérée par l’efficacité même des thermopompes, qui fait que celles-ci sont moins représentées dans la quantité de chauffage utilisée.
Cela dit, pour que le secteur résidentiel se plie aux objectifs climatiques du Canada, nos calculs montrent que la part du chauffage prise en charge par les thermopompes doit continuer de grandir d’au moins 6 % par année afin de doubler pour la décennie et d’arriver au seuil des 10 % du chauffage résidentiel au Canada d’ici 2030.
Encore beaucoup de travail à l’horizon
Comme les émissions du secteur du bâtiment ne cessent d’augmenter, les thermopompes représentent une solution de réduction prometteuse qui est également gage d’abordabilité et de résilience pour les ménages canadiens. Cependant, malgré tous les progrès, il reste encore beaucoup à faire.
Les politiques annoncées dans le Plan de réduction des émissions, ainsi que certaines actions provenant de différents ordres de gouvernement, peuvent accélérer l’adoption des thermopompes et aligner le secteur avec les objectifs du Canada à condition toutefois d’être mises en place rapidement et efficacement. Au fédéral, par exemple, on attend toujours les détails de la mise en application de la Stratégie canadienne pour les bâtiments verts, laquelle promet un secteur du bâtiment carboneutre d’ici 2050.
Par ailleurs, malgré l’introduction de politiques à tous les ordres du gouvernement pour accélérer l’adoption des thermopompes, en pratique les consommateurs font toujours face à plusieurs obstacles à la transition : manque de connaissance du sujet, pénurie de main-d’œuvre, complexité des programmes publics, coûts initiaux élevés. Les gouvernements peuvent éliminer ces obstacles en simplifiant leurs programmes (idéalement de façon à réduire les coûts initiaux), en maintenant les politiques et rabais en vigueur, en concrétisant les initiatives prévues, et en améliorant l’équité d’accès pour les Canadiens à faible revenu et pour les locataires.
Finalement, la fragmentation des données du gouvernement et de l’industrie rend difficile le suivi du déploiement des thermopompes – un indicateur précurseur de la décarbonation du secteur du bâtiment. Le gouvernement fédéral devrait amasser et publier des données plus actuelles et pertinentes sur le sujet afin que les décideurs et les organisations comme 440 mégatonnes puissent mieux évaluer les progrès et cerner les possibilités de corriger le tir.
Anna Kanduth est directrice de l’initiative 440 mégatonnes à l’Institut climatique du Canada.