Deux ans après l’adoption de la loi fédérale, les lois sur la responsabilisation climatique permettent d’accélérer les choses et de suivre les progrès en la matière partout au pays.
Il est plus facile de se rendre au bon endroit lorsqu’on sait où l’on va. Et quand on parle de réduction des émissions de carbone, les lois sur la responsabilisation climatique sont la boussole. Bien conçues, elles « balisent le chemin » vers l’atteinte des objectifs climatiques en établissant des cibles, des structures de gouvernance et des processus de planification tout en incitant les gouvernements à répondre de leurs actes en exigeant des bilans réguliers.
Le 29 juin 2021, le Canada s’est doté de sa propre loi sur la responsabilisation climatique en adoptant la Loi sur la responsabilité en matière de carboneutralité (LCRMC). C’est une occasion spéciale pour 440 mégatonnes, puisque les évaluations transparentes des progrès climatiques sont au cœur du projet. Nous soulignons le deuxième anniversaire de cette importante loi en regardant de plus près ce qui a été accompli et ce qui est prévu cette année, et comment les autres gouvernements du pays se servent de lois sur la responsabilisation climatique pour encourager et suivre leurs progrès.
2023 : une année importante pour le processus fédéral de responsabilisation
Les principes derrière la LCRMC sont simples : établir des objectifs, concevoir des plans pour les atteindre et rendre compte des progrès en cours de route. Regardons maintenant chaque élément à tour de rôle.
Premièrement, la LCRMC formule des objectifs clairs en matière de politiques climatiques, officialisant ainsi la promesse d’atteindre la carboneutralité à l’horizon 2050 et d’établir des objectifs à court terme pour 2026 et 2030 du Canada. Par conséquent, le gouvernement doit fixer des cibles pour les années à venir selon un échéancier prédéterminé.
Deuxièmement, la loi exige que le gouvernement crée des plans pour chacun de ces objectifs. Le premier en la matière, le Plan de réduction des émissions pour 2030 du Canada (ou PRE), a été publié l’an dernier.
Troisièmement, le gouvernement doit rendre compte de ses progrès sous forme de rapports à publier, dont le premier doit être déposé plus tard cette année. Puisqu’il n’est pas exemplaire que les gouvernements remplissent leurs propres bilans, la LCRMC permet la vérification externe par un organisme indépendant créé pour conseiller le gouvernement et obliger le commissaire à l’environnement et au développement durable à rendre compte de la mise en œuvre des politiques gouvernementales.
La LCRMC a tout de même d’importants angles morts. Bien qu’elle oblige le gouvernement à publier divers rapports sur les émissions et les changements climatiques, elle ne contient aucune exigence concernant la planification de l’adaptation aux changements climatiques. Même si la loi exige que le gouvernement tienne compte de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et qu’il consulte les peuples autochtones, les groupes autochtones ayant participé aux consultations sur le processus du PRE ont qualifié ledit processus d’inadéquat. Et contrairement à certains de ses homologues, le Canada n’exige pas d’évaluation indépendante des plans climatiques ou de rapports d’étape gouvernementaux dans le cadre de sa loi sur la responsabilisation climatique.
Et c’est ici que l’Institut climatique du Canada entre en scène. En 2022, l’Institut a mené sa propre évaluation indépendante sur le PRE pour 2030 du Canada, et fera de même cette année pour le rapport d’étape du gouvernement fédéral. À 440 mégatonnes, la Boussole des trajectoires d’émissions évalue si les politiques fédérales mettent le Canada sur le chemin de la carboneutralité et indique où il faudrait prendre des mesures supplémentaires.
Malgré certaines lacunes, après deux ans en vigueur, on peut dire que la loi fédérale sur la responsabilisation climatique a jeté les bases d’un cycle de planification réglementaire et de modification des trajectoires. Cependant, à l’échelle provinciale et territoriale, c’est une tout autre histoire.
Les trois quarts des émissions du Canada viennent de provinces et de territoires n’ayant pas de cible officielle pour 2030
Seulement six provinces et territoires canadiennes se sont dotées d’un cadre législatif climatique qui établit des objectifs d’émission ou un processus de planification pour 2030. Une septième province, le Manitoba, a une loi sur la responsabilisation climatique, mais son plan climatique actuel s’arrête en 2027. Les provinces et territoires restants n’ont pas de loi de responsabilisation, ce qui veut dire que 75 % des émissions au pays proviennent de provinces et territoires n’ayant pas de cible officielle pour 2030. Quelques-unes de ces administrations n’ont pas de cible légale ou d’objectif de carboneutralité à plus long terme; les autres n’ont tout simplement aucun objectif ou plan pour 2030.
C’est un problème, car les provinces et les territoires possèdent de puissants leviers dans la lutte contre les changements climatiques, dont la compétence sur le développement des ressources naturelles et la production d’électricité. Dans les provinces sans loi de responsabilisation climatique, il n’existe pas de mécanisme officiel pour encourager les provinces à faire correspondre ces leviers aux cibles d’émissions, et aucun règlement obligeant les gouvernements à rendre compte de leurs actions pour le climat de façon transparente. Sans loi de responsabilisation climatique, les progrès climatiques ne sont pas impossibles, mais sont certainement moins probables et beaucoup plus difficiles à suivre.
Heureusement, le paysage réglementaire du Canada semble tendre vers une plus grande responsabilisation. Par exemple, il y a trois ans, seulement trois provinces et territoires avaient un cadre législatif de responsabilisation climatique; maintenant, on en compte sept. Les municipalités semblent également suivre cette tendance. En avril dernier, la Ville de Toronto a proposé un « système de responsabilisation du carbone » qui vise explicitement à suivre les pratiques exemplaires formulées par l’Institut climatique du Canada. Ce système permettra l’établissement de budgets carbone sur cinq ans, la création d’un cycle de planification et de reddition de comptes et définira la manière dont la ville peut – ou non – utiliser ses crédits compensatoires pour atteindre ses cibles.
Une bonne gouvernance est la clé de la réussite climatique
Les cadres législatifs de responsabilisation climatiques ne promettent pas une solution facile aux changements climatiques, puisque les élections peuvent donner le pouvoir aux gouvernements de changer les lois ou de tracer une nouvelle voie. Cependant, ces cadres aident les gouvernements à se concentrer sur la priorité urgente de réduire les émissions et à diriger l’attention du public vers les éléments où nous progressons et ceux où il reste du chemin à faire. En Colombie-Britannique, par exemple, les modélisations d’émissions de 2021 tirées du rapport de responsabilisation climatique du gouvernement indiquaient que la province n’était pas en voie d’atteindre ses cibles, ce qui a mené la province à renforcer son plan en matière de climat.
En ce deuxième anniversaire de la responsabilisation climatique fédérale, nous soulignons également la généralisation de ces cadres de responsabilisation dans tous les ordres de gouvernement. Pour l’équipe de suivi des progrès de 440 mégatonnes, voilà de quoi faire de cette journée une étape à célébrer!
Ross Linden-Fraser est associé de recherche principal à l’Institut climatique du Canada.
Dernière mise à jour : octobre 2023