Les cibles de réduction des émissions ont pour objet d’élever nos ambitions climatiques en tenant compte des particularités de chaque pays
Introduction
L’année prochaine marquera le 10e anniversaire de la ratification de l’Accord de Paris, l’actuel cadre mondial pour la lutte contre les changements climatiques.
Chaque pays signataire de l’Accord se voit imposer une grande condition : la fixation d’une contribution déterminée au niveau national (CDN) reflétant son « ambition la plus élevée possible » de réduire ses émissions et de limiter les changements climatiques planétaires. Les CDN sont soumises tous les cinq ans; les prochaines seront envoyées en 2025. Au Canada, le gouvernement fédéral a promis d’établir sa cible nationale au plus tard le 1er décembre cette année.
Dans l’analyse de cette semaine, nous épluchons les cibles actuelles du Canada et de ses grands partenaires commerciaux. Mais s’il est utile de se comparer entre pairs à l’international pour donner un coup de fouet à nos ambitions climatiques, il faut penser les cibles à la lumière des réalités de chaque pays.
Les cibles du Canada font-elles bonne figure?
En comparaison directe, le Canada s’est donné une cible plutôt équivalente à celle de ses pairs pour 2030 : une réduction de 40 à 45 % des émissions sous les niveaux de 2005.
Le tableau 1 montre les cibles intermédiaires du Canada et de ses principaux partenaires commerciaux parmi les pays de l’annexe I de l’Accord de Paris (pays de l’OCDE et économies en transition) pour 2030 ainsi que les cibles à l’étude ou déjà fixées pour 2035 et 2040. Aux fins de comparaison, toutes les cibles sont rapportées sur les valeurs de 2005.
Collectivement, l’Union européenne vise un peu plus haut que les autres avec des réductions de 55 % sous les niveaux d’émissions de 1990 d’ici 2030 (soit 50 % sous ceux de 2005). Mais si l’on positionnait le Canada parmi les États membres de l’UE, il arriverait bien au-dessus de la médiane dans la répartition de l’effort : il se montre plus ambitieux que certains pays européens établis (France, Italie, Espagne), bien que d’autres, comme l’Allemagne, le surpassent.
Hors de l’UE, la cible canadienne pour 2030 se cale d’assez près sur d’autres comme celles de l’Australie ou du Japon, qui visent respectivement une baisse de 43 et de 45 % des émissions par rapport à 2005 d’ici 2030. Reste que l’ambition du Canada ne vaut pas celle d’autres économies plus grandes, comme les États-Unis, qui comptent actuellement réduire de moitié leurs émissions d’ici 2030 et qui, selon de récentes analyses indépendantes, sont en bonne voie d’y arriver.
On voit qu’aux horizons 2035 et 2040, les pays considèrent, si ce n’est pas déjà fait, revoir à la hausse leurs ambitions. La plus notable : l’UE caresse une baisse de 90 % de ses émissions d’ici 2040. Des États membres, comme l’Allemagne, ont déjà enchâssé cette cible dans leurs lois. Hors de l’UE, le Royaume-Uni et la Suisse sont les seuls pays de la liste à déjà avoir adopté leurs cibles pour 2035 ou 2040. Dans l’ensemble des pays qui se sont jusqu’ici prononcés sur les réductions visées par rapport à 2005, les chiffres oscillent entre 65 et 75 % pour 2035, et entre 67 et 89 % pour 2040.
Si les comparaisons entre les pays peuvent contribuer à renforcer l'ambition climatique mondiale, les CDN doivent également tenir compte des possibilités et des défis uniques de chaque pays en matière de réduction des émissions. En fin de compte, les CDN sont conçues pour refléter l'ambition la plus élevée possible d'un pays, tout en reconnaissant que l'"ambition" est spécifique au contexte. Dans les semaines à venir, 440 mégatonnes publiera une nouvelle analyse pour aider à fixer un objectif ambitieux, mais réalisable, pour le Canada en 2035.
Arthur Zhang est associé de recherche à l’Institut climatique du Canada.