Les estimations préliminaires des émissions nationales produites par 440 mégatonnes montrent qu’il faut mettre les gaz pour réduire les émissions dans le secteur du transport si le Canada veut atteindre ses cibles climatiques pour 2030.
Quoi de neuf ?
440 mégatonnes publiait en février 2023 ses premières estimations préliminaires des émissions nationales, qui montrent que le Canada réalise des progrès constants sur le plan des principaux facteurs de réduction des émissions et du découplage de la croissance économique et des émissions de GES.
Selon nos estimations, les émissions de gaz à effet de serre du Canada s’élevaient en 2021 à 691 Mt, soit 6,7 % de moins qu’en 2005, mais 2,8 % de plus qu’en 2020. Le secteur du transport était l’un des principaux responsables de cette résurgence, attribuable en grande partie à l’augmentation de l’activité après la levée des restrictions sanitaires.
Deuxième plus grande source d’émissions après le pétrole et le gaz, le secteur du transport doit impérativement freiner ses émissions pour que le Canada puisse atteindre ses cibles climatiques pour 2030. Cependant, sans des améliorations notables sur le plan de l’intensité des émissions, de l’efficacité énergétique et de la décarbonisation – qui nécessiteront des politiques efficaces – le Canada peinera à atteindre cette cible critique sur la voie de la carboneutralité d’ici 2050.
Une hausse de l’activité qui neutralise tous les progrès
Les estimations préliminaires indiquent que même si les émissions dans le secteur du transport ont chuté de 14 % en 2020 par rapport à leur sommet de 185 Mt en 2019, elles ont remonté en flèche en 2021 avec une hausse de 6 % (figure 1). Cette hausse est presque entièrement attribuable à une reprise partielle suivant la levée des restrictions sanitaires dans la deuxième moitié de 2021 et à l’augmentation de l’activité économique.
Ce rebond est toutefois surtout concentré dans le secteur du transport de marchandises (transport routier, ferroviaire, aérien et maritime), qui a connu en 2021 une hausse d’activité de 60 % par rapport à 2020. Dans le secteur du transport de passagers (véhicules de promenade, transport en commun et transport ferroviaire et aérien), l’activité n’a augmenté que de 34 % par rapport à 2020.
Nous avons aussi analysé les principaux facteurs qui ont contribué aux variations des émissions de gaz à effet de serre dans le secteur du transport entre 2016 et 2021, dans le but de dégager certaines tendances suivant la conclusion de l’Accord de Paris. Prise isolément, l’activité a entraîné une chute globale des émissions d’environ 3,9 Mt. Si l’on ajoute les améliorations en matière de décarbonisation et d’efficacité énergétique, attribuables aux leviers politiques et commerciaux, la diminution nette se chiffre à 4,9 Mt. On constate ainsi que c’est surtout à la baisse estimée de l’activité que l’on doit la réduction des émissions dans le secteur du transport entre 2016 et 2021.
N.B. : Activité : Variation des émissions pondérées par unité d’activité (voyageur-kilomètre, tonne-kilomètre, etc.). Décarbonisation : Variation des émissions de source énergétique par unité d’énergie. Efficacité énergétique : Variation de la consommation d’énergie par unité d’activité économique.
Les données ne disent pas tout
À cause de lacunes dans les données énergétiques recueillies par Statistique Canada et dans celles sur l’activité recueillies et analysées par Ressources naturelles Canada, il s’avère difficile de faire le suivi des facteurs de décarbonisation du transport. Les données sur l’activité dans les secteurs du transport de passagers et de marchandises sont basées sur différents sondages réalisés par Statistique Canada et d’autres organismes gouvernementaux qui suivent les données d’immatriculation et de consommation de carburant des véhicules; il est rare que ces sondages soient réalisés ou mis à jour annuellement. De plus, on serait en lieu de s’attendre à ce que le nombre croissant de véhicules électriques sur les routes se traduise par une hausse de la décarbonisation et de l’efficacité énergétique. Les données de Statistique Canada (qui ont servi pour nos estimations préliminaires) indiquent toutefois que la consommation d’électricité dans le secteur du transport canadien n’a pratiquement pas changé entre 2017 et 2021, malgré une hausse de 1 à 5 % des ventes de véhicules électriques pendant cette période. Cela tient probablement au fait que l’électricité utilisée pour le chargement des véhicules électriques, qui aurait dû être attribuée au secteur du transport, a plutôt été attribuée aux secteurs résidentiel ou commercial.
En départageant avec une plus grande précision l’électricité utilisée dans le secteur du transport, on comprendra mieux comment les véhicules électriques remplacent les véhicules à combustion interne et l’effet de ce phénomène sur la diminution des émissions dans le secteur.
Mise en place des politiques : il faut passer en deuxième vitesse
Selon nos estimations, le secteur du transport n’a réalisé depuis 2016 que de modestes gains sur le plan des émissions absolues et de l’intensité des émissions. Les effets des leviers politiques et commerciaux sur la réduction des émissions du secteur, y compris sur l’efficacité énergétique et la décarbonisation, sont faibles comparativement aux effets de l’activité sur la hausse des émissions. Entre 2020 et 2021, l’intensité des émissions a diminué de 1,4 %, ce qui est beaucoup moins que la baisse annuelle moyenne de 6 à 7 % requise à l’avenir pour compenser la hausse de l’activité (en kilomètres parcourus) qui devrait accompagner la croissance démographique ou la hausse de la demande par personne, comme on a pu le voir par le passé.
Pour parvenir à réduire ses émissions à 440 Mt d’ici 2030, le Canada devra s’attaquer plus rapidement à l’intensité des émissions et aux émissions absolues. Le secteur du transport semble être à un tournant, avec l’entrée en vigueur prévue pour cette année de nouvelles politiques majeures comme les normes fédérales sur les véhicules zéro émission et le Règlement sur l’électricité propre. Les gouvernements explorent aussi d’autres politiques pour le secteur du transport, dont du soutien pour le transport en commun et le transport actif, et le développement d’une norme pour les véhicules utilitaires moyens et lourds zéro émission. Si ces politiques sont bien appliquées, le Canada pourra foncer tout droit vers sa cible de 440 Mt.