Nos estimations préliminaires des émissions nationales pour 2022 montrent une tendance à l’augmentation des émissions provenant du pétrole et du gaz et du secteur des bâtiments avec, par rapport à 2021, une croissance de 2,1 % des émissions de gaz à effet de serre, soit une augmentation de 14,2 mégatonnes d’équivalents dioxyde de carbone (Mt d’éq. CO₂).
Il y a quand même de bonnes nouvelles. D’après les données, la mise en place de politiques visant à réduire les émissions de carbone et le déploiement de technologies propres compensent la croissance des émissions observée ailleurs. Les émissions produites dans la plupart des autres secteurs enregistrent une baisse constante, tout particulièrement celui de l’électricité, dont les émissions ont été réduites de plus de la moitié depuis 2005.
Le problème, c’est que les émissions globales diminuent trop lentement, encore, pour que le Canada parvienne à s’aligner sur la cible pour 2030.
Il faut que les progrès s’accélèrent pour que le pays atteigne la cible de 2030
À l’heure actuelle, les émissions du Canada sont de 6,4 % inférieures à celles de 2005. Le pays se trouve encore loin de sa cible fixée à au moins 40 % par rapport au niveau de 2005 d’ici 2030. Il lui reste donc moins de huit ans pour réduire ses émissions de 5,4 % par année d’ici à 2030.
Sur une note plus encourageante, la tendance vers une croissance économique marquée et une réduction de l’intensité des émissions (c’est-à-dire des émissions par unité de PIB) se maintient. En 2022, l’économie canadienne a affiché une progression de 3 %, et au même moment, les émissions ont régressé de 5 % par rapport à 2019 (figure 1).
Figure 1 : Une économie en plein essor et des émissions en baisse
Les émissions produites par l’industrie du pétrole et du gaz et le secteur du bâtiment continuent d’augmenter
L’augmentation des émissions à l’échelle nationale s’inscrit dans une tendance à la hausse dont l’industrie du pétrole et du gaz et le secteur du bâtiment sont responsables, alors que la plupart des autres secteurs enregistrent des baisses.
En 2022, le secteur pétrogazier et le secteur du bâtiment sont responsables ensemble de 72 % de l’augmentation de 14,2 Mt d’éq. CO₂ des émissions totales annuelles. Depuis 2005, ils ont augmenté leurs émissions de 38 Mt, et tous les autres secteurs (mis à part l’agriculture) les ont réduites de 85 Mt (figure 2).
Ces deux secteurs sont certes au cœur des politiques fédérales et provinciales depuis des décennies, mais si le Canada veut contrôler les émissions, il doit renforcer ces politiques et en accélérer l’application. Soulignons que tous les ordres de gouvernement doivent accorder la priorité à un plafond strict pour les émissions de pétrole et de gaz et aux efforts concertés pour l’installation de thermopompes.
Un autre secteur à surveiller est celui de l’agriculture, où les émissions sont en progression constante depuis 2005. L’utilisation de combustibles à la ferme est particulièrement préoccupante.
Figure 2 : Augmentation des émissions depuis 2005 par secteur économique
La politique sur le carbone et le déploiement de technologies fonctionnent
Une économie en plein essor, et donc, plus énergivore, a provoqué une hausse des émissions en 2022, totalisant 37,1 Mt d’éq. CO₂ par rapport à l’année précédente. Les retombées des politiques climatiques et de certains facteurs de marché, notamment le déploiement de technologies propres, qui ont réussi à les réduire de 22,9 Mt, sont venues compenser cette augmentation, ce qui s’est traduit par une hausse nette globale de 14,2 Mt (figure 3).
Bien que des indices portent à croire que les politiques commencent à fonctionner, le Canada doit accélérer leur application dans tous les secteurs s’il veut atteindre ses objectifs pour 2030.
Figure 3: Facteurs responsables des émissions de 2021 à 2022
Le mot de la fin
L’Institut publie l’estimation préliminaire annuelle dans le but de présenter un aperçu des progrès réalisés par le Canada par rapport à sa cible pour 2030 et de donner le temps de corriger le tir. Les résultats de cette année démontrent clairement qu’il faut de toute urgence des mesures musclées et la concertation de tous les ordres de gouvernement – y compris les provinces et les territoires – pour que le pays puisse atteindre sa cible. Autrement dit, il faut intervenir sur plusieurs fronts : plafond d’émissions pour le pétrole et le gaz, réglementation du méthane pour le secteur, Règlement sur l’électricité propre, stratégie d’écoconstruction, mandat VZE, etc. Et c’est sans compter le resserrement de la tarification du carbone au moyen de contrats sur différence.
Le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux doivent mettre en œuvre des processus de suivi plus officiels, notamment par l’élaboration d’indicateurs de progrès, afin de cerner les domaines dans lesquels il y a lieu de revoir les politiques.
Le Rapport d’inventaire national (RIN) du Canada, une fois publié, est la référence définitive sur l’état des lieux des émissions au pays. Comme pour notre estimation préliminaire pour 2021 (qui suivait de près le RIN), nous mettrons à jour nos estimations après la parution du nouveau RIN afin de tenir compte des données historiques révisées, qui évoluent en fonction des améliorations méthodologiques.
Seton Stiebert est conseiller pour le projet 440 mégatonnes, et Dave Sawyer est économiste principal à l’Institut climatique du Canada.