Skip to content

Comment encourager l’utilisation de la thermopompe dans les Maritimes

Dans les Maritimes, la thermopompe permet de rapidement délaisser le chauffage à mazout, mais des obstacles menacent une adoption plus généralisée dans l’Est.

Quoi de neuf?

La thermopompe joue un rôle important dans la réduction des émissions liées au chauffage des bâtiments, tout en réduisant les coûts énergétiques et en améliorant la résilience au réchauffement climatique (elle qui fournit chauffage et climatisation). Répandue dans les Maritimes, qui présentent le plus haut taux d’adoption au Canada, elle devrait même gagner en popularité selon les prévisions, mais de réels obstacles empêchent toutefois son adoption généralisée par les ménages qui se chauffent encore au mazout. Selon le dernier inventaire officiel canadien des gaz à effet de serre, en 2021, les émissions attribuables au chauffage résidentiel représentaient 6 % de toutes les émissions dans les Maritimes. Parmi les facteurs principaux se trouve la dépendance de longue date au chauffage à mazout, responsable de jusqu’à 80 % de toutes les émissions liées au chauffage résidentiel (figure 1).

La thermopompe est bien adaptée aux Maritimes

Globalement, la réduction des émissions du chauffage résidentiel s’appuiera grandement sur l’électrification et l’abandon des combustibles fossiles comme source de chauffage. Les gains de réduction potentiels de l’électrification sont particulièrement importants dans les Maritimes, qui dépendent actuellement beaucoup du chauffage à mazout.

La thermopompe, c’est une réduction des émissions attribuables à l’électrification combinée à une efficacité remarquable; elle est souvent deux fois plus efficace que le chauffage par résistance électrique et ses coûts d’exploitation sont considérablement moindres que ceux du mazout, sans compter la climatisation qu’elle procure en été.

Le climat des Maritimes, où la température atteint rarement des extrêmes, présente des conditions optimales pour la thermopompe (il existe toutefois des thermopompes basse température qui fonctionnent à des températures inférieures à -25 degrés Celsius). Cela dit, la thermopompe peut répondre aux besoins en chauffage durant la plus grande partie, voire l’entièreté, de l’hiver. Les propriétaires qui désirent parer aux imprévus peuvent également installer un système de chauffage par résistance électrique d’appoint.

Comme le souligne Chris Turner dans une étude de cas de l’Institut climatique du Canada, l’adoption de la thermopompe a connu une hausse rapide dans les Maritimes, la source de chauffage principale de 30 % des foyers.

Ce qui est étonnant, c’est que même si la thermopompe est plus répandue, elle ne représente qu’une petite portion de l’énergie totale utilisée pour le chauffage de bâtiments dans les Maritimes, soit environ 3 %. Ces données illustrent l’efficacité de la thermopompe : bien qu’elle représente près d’un tiers des sources de chauffage principales, elle consomme près d’un dixième de l’énergie totale utilisée à cette fin. (Il faut dire que l’utilisation de la thermopompe dans les nouveaux bâtiments, plus efficaces du point de vue énergétique que les anciens, aide.)

L’avenir de la thermopompe repose sur la généralisation de sa mise en œuvre

Notre analyse des politiques annoncées par les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux produit avec Navius Research montre que la proportion des sources de chauffage électrique dans les Maritimes augmentera en moyenne de 30 % d’ici 2030 (figure 2).

Avec la démarche d’électrification du chauffage des bâtiments entreprise dans les Maritimes, la proportion d’énergie utilisée pour le chauffage réduite grâce aux thermopompes pourrait doubler si des politiques sont mises en œuvre rapidement et efficacement. À l’Île-du-Prince-Édouard, l’utilisation des thermopompes sera huit fois plus élevée qu’elle l’est actuellement, passant de 1,25 % des appareils de chauffage à 8,35 % d’ici la fin de la décennie. L’augmentation des thermopompes réduira la dépendance au mazout, et des provinces comme la Nouvelle-Écosse pourraient voir leur recours au chauffage à mazout (46 %) diminuer de moitié d’ici 2030 (26 %).

Toutefois, pour que les augmentations représentées dans la figure ci-dessus se matérialisent, toutes sortes de facteurs entent en ligne de compte : le type de thermopompes possibles en fonction de la taille et des besoins du foyer; les différences entre les coûts initiaux et les coûts d’exploitation selon les technologies de chauffage; la disponibilité du personnel qualifié pour l’installation; et les futurs tarifs de l’électricité par rapport à ceux des combustibles fossiles.

Pour s’attaquer à ces facteurs, des initiatives du secteur et un soutien du gouvernement peuvent créer des conditions favorables à une meilleure transition vers le chauffage électrique.

Une politique forte favorise l’adoption de la thermopompe

Jusqu’à présent, les politiques gouvernementales, avec des programmes comme le Programme éconergétique pour les maisons du Nouveau-Brunswick, se sont avérées essentielles pour favoriser l’adoption de la thermopompe. Des formes d’aide supplémentaire récemment mises en place comme le Programme pour la conversion abordable du mazout à la thermopompe du gouvernement fédéral continueront d’accélérer le mouvement. En effet, l’analyse mentionnée ci-dessus prend en compte ce programme fédéral, qui offre jusqu’à 10 000 $ aux foyers qui ont recours à des chaudières à mazout et passent à la thermopompe.

Les provinces ont également mis en place des mesures similaires. La Nouvelle-Écosse offre une bourse de 5 000 $ sous la forme de ristournes EfficiencyOne, en plus d’avoir investi 140 millions de dollars pour offrir des thermopompes gratuites aux ménages à faible revenu. De même, le Nouveau-Brunswick donne des thermopompes sans conduits aux foyers dont le revenu annuel est inférieur à 70 000 $ dans le cadre de son Programme éconergétique amélioré (un partenariat entre le gouvernement provincial et Énergie NB). À l’Île-du-Prince-Édouard, des thermopompes sont également offertes gratuitement aux propriétaires dont le revenu annuel est inférieur à 75 000 $. Mis en place après l’étude, ces programmes n’ont pas été pris en compte dans l’analyse, mais il est possible que la thermopompe gagne en popularité encore plus rapidement que prévu.

De manière générale, ces programmes d’aide couvrent une gamme de coûts initiaux pour les propriétaires, notamment celui de la thermopompe elle-même, de son installation, les rénovations résidentielles requises, le retrait de chaudière à mazout, ainsi que les systèmes de chauffage d’appoint.

Quels obstacles doit-on surmonter pour encourager l’utilisation de la thermopompe dans les Maritimes?

Malgré les signes d’une forte croissance du marché, le chauffage à mazout représente encore 44 % des sources de chauffage dans les Maritimes, et la transition s’accompagnera d’obstacles supplémentaires pour le remplacement de davantage de combustibles fossiles. Pensons à la longue attente avant de recevoir les remboursements des programmes de ristournes existants, à la pénurie de main-d’œuvre qualifiée qui se fait ressentir avec l’augmentation de la demande d’installation et à l’aide financière supplémentaire pour les maisons obligées d’installer un système de chauffage d’appoint en plus d’une thermopompe. Tous ces facteurs peuvent affaiblir la confiance qu’accordent les propriétaires dans la transition vers la thermopompe, ralentissant ainsi son adoption.

C’est en surmontant ces obstacles et en améliorant les programmes existants que l’on peut tirer parti du progrès impressionnant accompli jusqu’ici dans la transition du mazout vers la thermopompe dans les Maritimes.


Arthur Zhang est associé de recherche à l’Institut climatique du Canada.