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Cinq choses à savoir sur les émissions de 2021 du Canada

Analyse des données sur les émissions de 2021.

Selon le plus récent Rapport d’inventaire national (RIN) du gouvernement fédéral, le Canada fait des progrès considérables dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre et suit les tendances générales estimées par l’Institut climatique du Canada plus tôt cette année.

Les données officielles sur les émissions de 2021 montrent des améliorations dans le découplage de la hausse des émissions et de la croissance économique, un indicateur essentiel vers l’atteinte des cibles climatiques nationales pour 2030 et le passage à une économie plus verte. Malgré ces bonnes nouvelles, le Canada devra en faire encore plus pour emprunter la bonne voie.

Les données du RIN en disent long; nous les avons analysées pour en dégager les grandes lignes.

Voici cinq choses à savoir.

1. Après la pandémie, les émissions n’ont pas remonté autant que prévu

La pandémie de COVID-19 est une anomalie à l’origine de grands bouleversements dans les activités économiques – et donc, les émissions – que nous cherchons encore à comprendre. Malgré une légère hausse par rapport aux niveaux de 2020 (1,8 %), les émissions de 2021 sont demeurées 53 millions de tonnes d’équivalent dioxyde de carbone (Mt éq. CO2) sous les niveaux prépandémie (7,4 % de moins qu’en 2019), ce qui est notable compte tenu de la forte croissance économique enregistrée au cours de l’année (4,6 %).

Cependant, bon nombre de raisons incitent à la prudence. Par exemple, on ne sait pas si la demande de véhicules par personne (l’intensité des émissions) reviendra au niveau de 2019, mais il est pratiquement certain qu’en 2022, les émissions associées au transport augmenteront, puisque les gens se déplacent davantage sur les routes. Les gouvernements devraient envisager de modéliser et d’élaborer des politiques d’atténuation tenant compte des perturbations potentielles qui peuvent avoir un effet positif ou négatif sur l’intensité des émissions provenant des activités.

2. La réduction de l’intensité des émissions indique que les politiques commencent à donner des résultats

L’intensité des émissions enregistrée par plusieurs secteurs d’activités est inférieure aux niveaux historiques. Il est donc possible que les leviers commerciaux (arrivée sur le marché de technologies à faibles émissions) et les politiques (normes relatives aux véhicules et la tarification du carbone) contribuent à cette réduction.

Les émissions du secteur pétrolier et gazier ont crû en 2021, mais l’augmentation est de 2,8 Mt éq. CO2 inférieure aux prévisions publiées dans nos estimations préliminaires des émissions nationales. L’intensité des émissions par unité de production dans les secteurs de l’exploitation du gaz naturel et des sables bitumineux est plus faible que ce que laissait croire la tendance historique. Ce constat pourrait indiquer que la réglementation sur le méthane est efficace, malgré l’accroissement de la production.

Dans le secteur du bâtiment, les émissions sont de 2 Mt éq. CO2 inférieures à nos prévisions. Cela peut s’expliquer en partie par les températures élevées de 2021, qui ont entraîné une réduction de la demande en chauffage. De plus, les bâtiments deviennent plus sobres en émissions. Les données de 2021 indiquent que l’intensité des émissions par bâtiment résidentiel et commercial est moins élevée que prévu par rapport aux tendances historiques. Notre analyse laisse croire que des politiques ont probablement un effet dans ce secteur.

En 2021, les émissions du secteur de l’électricité sont de 1,2 Mt éq. CO2 inférieures aux prévisions, leur intensité étant plus faible que ce qu’annonçaient les résultats passés. Cette amélioration découle de la transition de l’Alberta du charbon vers le gaz naturel et les énergies renouvelables.

3. Le secteur de l’électricité fait le gros du travail

Depuis 2005, le secteur de l’électricité a réduit de plus de moitié (66 Mt éq. CO2) ses émissions totales tout en augmentant sa production (figure 1). À titre indicatif, les émissions totales du Canada ont diminué de 62 Mt éq. CO2 depuis 2005. C’est aussi le seul secteur où les politiques inscrites dans la loi et les politiques en élaboration semblent raisonnablement compatibles avec les cibles de carboneutralité. Si les autres secteurs suivent aussi des trajectoires viables vers la carboneutralité, nous n’avons pas encore constaté de changements à grande échelle des activités et de la consommation d’énergie en vue de l’atteinte de cet objectif dans les données de 2021.

4. Malgré ces progrès, l'intensité des émissions doit chuter beaucoup plus rapidement

L’intensité des émissions globales s’est améliorée par rapport au PIB, à un peu plus de 2  % par année en 2021, mais ce taux n’est que légèrement supérieur à la moyenne historique, et doit se chiffrer à plus de 5 % par année pour assurer l’atteinte des cibles climatiques. Autrement dit, la réduction des émissions doit accélérer au fil de la croissance économique afin de dissocier davantage les émissions et le PIB.

5. Les changements de méthodologie pour les données des années antérieures abaissent la cible du Canada pour 2030

Chaque année, le RIN subit un processus de mise à jour et d’amélioration de l’information publiée par les années passées. Cette année, les émissions totales de 2020 ont été revues à la baisse, passant de 672 à 659 Mt éq. CO2, une réduction de 13,6 Mt éq. CO2. C’est aussi le cas des émissions de l’année de référence 2005, qui ont été révisées à la baisse de 8,9 Mt pour atteindre 732 Mt éq. CO2.

Le tableau 1 présente les changements dans les émissions en 2020 par secteur.

Globalement, les changements dans les émissions nationales découlent principalement de la diminution des émissions liées à l’énergie dans les secteurs du transport et des déchets ainsi que de l’augmentation des émissions fugitives. Les réductions dans le secteur du transport sont principalement attribuables au recalcul de la consommation de diesel des camions lourds, et celles dans le secteur des déchets, à la mise à jour des taux d’émissions de méthane des décharges. Enfin, l’augmentation des émissions fugitives s’explique principalement par l’amélioration de la ventilation des émissions dans le secteur pétrolier et gazier de l’Alberta.

Les recalculs n’ont habituellement aucune incidence sur le pourcentage relatif de réduction requis pour atteindre les futures cibles, mais le rajustement prévu du méthane dans le secteur pétrolier et gazier pourrait exiger de plus grandes réductions d’émissions en mégatonnes absolues si les nouveaux calculs entraînent une augmentation considérable des émissions.

L’Institut climatique du Canada publie chaque année des estimations préliminaires des émissions nationales pour informer le public dans les plus brefs délais. Restez à l’affût de la publication des estimations préliminaires de 2022 cet automne.


Seton Stiebert est conseiller pour le projet 440 mégatonnes, et Dave Sawyer, économiste principal à l’Institut climatique du Canada.