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Pas si différentes, les politiques sur l’électricité du Canada et des États-Unis?

Les projets de règlement de nos voisins du Sud annoncent le début d’une nouvelle harmonie politique entre le Canada et les États-Unis.

Quoi de neuf

Les États-Unis et le Canada joignent désormais le geste à la parole et sont sur le point d’aligner leurs politiques climatiques comme jamais. C’est particulièrement le cas dans le secteur de l’électricité, où le Canada et les États-Unis se sont engagés à rendre leurs réseaux électriques carboneutres d’ici 2035 et jouent sur le même genre de leviers stratégiques pour y parvenir. 

Si le budget 2023 du Canada offrait une réponse aux carottes de l’Inflation Reduction Act, tout porte à croire que les États-Unis s’apprêtent à introduire un nouveau bâton pour réglementer les émissions du secteur de l’électricité, à la manière du Canada

Les derniers détails seront d’une importance capitale, mais ces nouveaux règlements pourraient faire partie  des politiques climatiques phares des États-Unis annoncées dans les dernières années.

Le secteur de l’électricité, essentiel au progrès climatique des deux côtés de la frontière

Dans les deux pays, le secteur de l’électricité s’est taillé la part du lion dans le travail de réduction des émissions depuis 2005. Au Canada, les émissions du secteur ont baissé de 66 Mt (56 %) depuis cette année repère, représentant une diminution de 9 % des émissions nationales. Aux États-Unis, elles baissaient de 35 % à la même période, contribuant, ici, à une diminution de 12 % des émissions nationales.

Si le Canada et les États-Unis ont fait du progrès dans la décarbonisation de leur électricité dans les deux dernières décennies, ils ont encore du pain sur la planche s’ils veulent atteindre leur objectif commun de carboneutralité du secteur d’ici 2035 (figure 1). Une grande partie des réductions d’émissions jusqu’à présent étant attribuable à la transition du charbon au gaz, les prochaines étapes impliqueront une volte-face du charbon et du gaz naturel sans dispositif d’atténuation restants vers des sources renouvelables, comme l’éolien et le solaire.

La carboneutralité des réseaux électriques, essentielle pour les deux pays, s’inscrit dans les efforts des deux nations pour décarboniser l’économie d’ici 2050 et demeurer compétitifs dans la transition mondiale vers la sobriété en carbone. Or, si la destination carboneutre des deux pays est la même, les deux ne partent pas du même point. À l’heure actuelle, environ 60 % de l’électricité des États-Unis est issue de combustibles fossiles, alors qu’au Canada, on parle de moins de 20 %.

Toutefois, le bouquet énergétique varie grandement d’un océan à l’autre. Certaines provinces ont recours presque entièrement à des sources non émettrices (hydroélectricité, nucléaire ou énergies renouvelables); d’autres, à l’instar des États-Unis, dépendent en grande partie de l’énergie fossile. Par exemple, si l’on exclut les provinces et territoires qui utilisent majoritairement des sources propres, la production d’électricité des provinces et territoires restants (Alberta, Saskatchewan, Nouvelle-Écosse, Nunavut et Nouveau-Brunswick) provient à presque 80 % des combustibles fossiles.

La méthode de la « carotte et du bâton » pour atteindre la carboneutralité

La carboneutralité de l’électricité – à l’échelle nationale et régionale – passe par une combinaison de carottes et de bâtons, et les deux pays sortent l’artillerie lourde. Le Canada élabore un Règlement sur l’électricité propre, dont une version préliminaire du projet est attendue plus tard cette année, et dans le budget 2023, le gouvernement prévoit 25,7 milliards en crédits d’impôts pour l’électricité propre. Les États-Unis, quant à eux, ont présenté une gamme d’investissements et de crédits d’impôt à la production nouveaux et bonifiés dans l’Inflation Reduction Act en 2022. L’administration Biden serait maintenant sur le point de présenter de nouveaux règlements pour encadrer les émissions des centrales au gaz naturel (nouvelles et existantes) ainsi que des centrales au charbon, et de sommer les installations d’électricité de passer aux sources non émettrices ou de déployer des technologies de captation du carbone. 

Les bâtons réglementaires proposés dans les deux pays peuvent renforcer la certitude que l’objectif de carboneutralité est à la portée du secteur, tandis que les carottes peuvent rendre les cibles plus accessibles financièrement – pour les installations et, ultimement, les usagers.

Toutefois, ce sont les détails de chacun des nouveaux régimes de réglementation qui détermineront la probabilité que chaque pays atteigne ses objectifs. Les tenants et aboutissants des propositions américaines ainsi que la forme finale que le projet de règlement prendra au Canada aura d’énormes répercussions à savoir comment – et si – les outils proposés permettront d’atteindre la carboneutralité des réseaux électriques. 

D’une façon comme de l’autre, la cohésion croissante de l’ambition et de l’action en matière de politiques climatiques entre les deux pays est encourageante, à la fois pour les réductions d’émissions et pour le maintien de la compétitivité économique du Canada dans la course mondiale vers la carboneutralité.


Anna Kanduth est associée de recherche principale à l’Institut climatique du Canada et gestionnaire de l’initiative 440 mégatonnes.