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Des cibles de réduction claires, un absolu pour les entreprises

Si les cibles de réduction de l’intensité sont utiles pour suivre la progression climatique des entreprises, elles ne sauraient remplacer les objectifs de réduction des émissions absolues.

Quoi de neuf?

Les normes de divulgation internationales sont de plus en plus rigoureuses quant aux objectifs de réduction des émissions des entreprises, et les services gouvernementaux et les organisations internationales sont clairs sur ce point : les cibles en émissions absolues – plutôt qu’en intensité – sont essentielles à la crédibilité des engagements climatiques.

Pourtant, le tiers des 60 plus grandes entreprises canadiennes ont choisi de n’établir que des objectifs d’intensité pour couvrir en tout ou en partie leurs émissions. Bien que ce soit monnaie courante, les entreprises canadiennes auraient intérêt à faire les choses dans les règles de l’art et les investisseurs à reconnaître qu’une réduction des intensités carboniques ne correspond pas nécessairement à une diminution des émissions totales.

Émissions absolues et intensité carbonique, quelle est la différence?

Fondamentalement, les cibles d’intensité visent à réduire les émissions par unité produite (par exemple, les émissions par million de dollars de revenu ou par baril de pétrole produit), tandis que les cibles d’émissions absolues impliquent que l’entreprise réduise ses émissions totales d’une certaine quantité avant une année donnée. Parce qu’elles poursuivent différents buts, les entreprises se donnent souvent un mélange d’objectifs d’intensité et d’émissions absolues selon leur orientation stratégique. Par exemple, Telus compte réduire ses émissions absolues de portées 1, 2 et 3 générées par les voyages d’affaires et diminuer l’intensité carbonique des émissions de portée 3 issues de l’achat de produits et de services, des biens d’équipement et de l’utilisation des produits vendus.

En général, il peut être utile de se fixer des objectifs d’intensité dans l’optique de réduire l’intensité carbonique de ses biens et services en tenant compte de facteurs comme la taille du marché et les prévisions de croissance. L’entreprise peut ainsi se comparer aux autres et évaluer sa concurrentialité dans un scénario de sobriété en carbone sans avoir à tenir vraiment compte de la taille. En outre, une entreprise serait quand même capable de réduire son intensité carbonique même si elle prévoit une augmentation de ses émissions absolues en raison d’une demande croissante.

Mais pour ce qui est de la carboneutralité, l’exemple ci-dessus montre que la réduction de l’intensité carbonique ne se traduit pas toujours par une baisse des émissions absolues. C’est pourquoi les objectifs d’émissions absolues donnent plus de transparence et de crédibilité aux engagements de carboneutralité. Si l’objectif d’une entreprise est de réduire ses émissions absolues de 30 % sous les niveaux de 2019 d’ici 2030, on a tous les renseignements nécessaires pour suivre ses progrès. C’est aussi la mesure directe de l’objectif fondamental : réduire les émissions totales.

Surveiller de près les réductions d'émissions

Les données sur les entreprises collectées pour la Boussole des engagements climatiques des entreprises du projet 440 mégatonnes montrent le risque que les cibles d’intensité s’écartent des émissions absolues. Par exemple, la figure 2 illustre les émissions et les données sur le revenu des grandes sociétés canadiennes et montre l’évolution sur cinq ans du pourcentage des émissions absolues et des intensités par rapport à l’année de référence 2017. Bien que les intensités carboniques aient diminué de 15 % depuis 2017, les émissions absolues ont augmenté en proportion semblable. Autrement dit, ce qui semble être un progrès lorsqu’on regarde uniquement les intensités d’émissions se révèle un problème grandissant lorsque l’étalon de mesure est en émissions absolues.

Cet exemple montre que les réductions d’intensités carboniques peuvent servir d’écran de fumée pour masquer une hausse des émissions absolues. C’est pour cette raison que la Science-Based Targets Initiative insiste sur le fait que les cibles d’intensité ne devraient être utilisées que si elles contribuent à des réductions d’émissions absolues fondées sur la climatologie. Un objectif absolu incite donc les entreprises à divulguer leur progression quant à leurs cibles de réduction totale. Une entreprise peut effectivement croître sans faire augmenter ses émissions. Elle doit trouver le moyen de le faire en mettant des efforts concrets pour réduire ses émissions totales.

En somme, les entreprises sérieuses dans leur démarche de réduction des émissions et de carboneutralité peuvent s’intéresser aux intensités carboniques comme objectifs complémentaires à des cibles de réduction des émissions absolues.


Arthur Zhang est associé de recherche à l’Institut climatique du Canada.