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Comprendre la base de données sur l’intensité des émissions du Canada

Faciliter le suivi de l’intensité des émissions de la production et de la consommation

Par Seton Stiebert et Dave Sawyer  

Ce document présente un aperçu de la méthodologie utilisée pour le calcul des intensités des émissions contenues dans la base de données sur l’intensité des émissions du Canada.

Pour suivre les progrès du Canada dans l’atteinte de ses objectifs climatiques, il faut des données exactes et précises sur l’intensité des émissions de chaque secteur de l’économie. Ces dernières peuvent servir à estimer les émissions de portée 1, 2 et 3 (en amont), les émissions financées (les émissions relatives aux activités financières), les émissions liées aux installations et l’intensité des émissions de produits et de services en particulier.

Pour créer la base de données sur l’intensité des émissions du Canada, nous avons conçu un modèle permettant de répartir les émissions dans les chaînes d’approvisionnement et les relations économiques du pays pour déterminer le carbone intrinsèque de la production, de la demande finale (comme les dépenses personnelles des ménages) et de l’investissement. L’élaboration du modèle et la production des données de la base de données se sont faites en deux étapes :

  1. Répartition sectorielle des émissions nationales; 
  2. Examen des chaînes d’approvisionnement et répartition du carbone intrinsèque dans les dépenses intérieures et les exportations.

Chacune de ces étapes est décrite ci-dessous.

1. Répartition sectorielle des émissions nationales  

Le modèle répartit d’abord toutes les émissions comptabilisées dans le Rapport d’inventaire national (RIN) (émissions de 2021) dans les 68 secteurs économiques correspondant aux catégories détaillées par industrie des tableaux symétriques d’entrées-sorties du Canada (2021). Ces données sur les émissions sont ensuite organisées selon le Système de classification des industries de l’Amérique du Nord (SCIAN), auquel s’ajoutent quelques catégories de dépenses domestiques impliquant l’achat et la consommation de carburant et générant des émissions directes des ménages.

Le modèle de répartition des émissions arrime les catégories d’émissions du RIN aux secteurs économiques et aux dépenses domestiques. L’arrimage direct des émissions est d’abord établi lorsqu’il y a correspondance parfaite entre une catégorie du RIN et l’un des 230 secteurs répertoriés dans les tableaux d’entrées-sorties de Statistique Canada. Cette opération a permis d’arrimer 44,6 % de toutes les émissions de 2021 du RIN, à l’exception de celles générées par l’affectation des terres, les changements d’affectation des terres et la foresterie. Les 55,4 % restants demandent d’attribuer des catégories du RIN à de multiples secteurs. Cet arrimage indirect des émissions s’appuie sur différents jeux de données disponibles :

  • Les émissions liées à l’énergie ont été arrimées à l’aide de la base de données sur l’énergie du Canadian Energy & Emissions Data Centre, qui calcule la demande en carburant par secteur et les émissions qui en découlent.
  • Les émissions non arrimées issues de procédés industriels peuvent être arrimées en se servant des données sur les dépenses liées à l’équipement à l’origine de ces émissions.
  • Les émissions fugitives et les produits autres que l’énergie à base de carburants ou de solvants peuvent être arrimés à un sous-secteur à l’aide du tableau A10-3 du RIN et de données supplémentaires sur les dépenses.

Les arrimages indirects sont relativement plus conjecturaux que les arrimages directs; cependant, il est à noter que le total des émissions du RIN est identique au total des émissions sectorielles et domestiques arrimées ultérieurement. Le modèle attribue ainsi toutes les émissions liées aux dépenses et aux exportations sans risque d’omission ou de double comptage.

Une étape supplémentaire est nécessaire pour arrimer certaines catégories d’émissions à des dépenses domestiques, notamment les émissions de sources énergétiques générées directement par des sources domestiques, comme les véhicules de promenade, le chauffage résidentiel, les véhicules récréatifs hors route, les génératrices résidentielles ou autre appareil à essence ou diesel, et d’autres équipements domestiques. C’est sans compter les émissions intrinsèques de procédés industriels liées à l’utilisation d’un réfrigérateur ménager et d’autres produits domestiques.

2. Examen des chaînes d’approvisionnement et répartition du carbone intrinsèque dans les dépenses intérieures et les exportations

Cette étape sert à lier le carbone intrinsèque des secteurs aux produits et services de toute l’économie. 

Le modèle, qui répartit toutes les émissions sectorielles de 2020 dans 60 secteurs, s’appuie sur les tableaux d’entrées-sorties de Statistique Canada (détaillés) pour comprendre comment les sorties de chaque secteur sont consommées par d’autres secteurs économiques intérieurs comme entrées intermédiaires, exportées à l’étranger ou utilisées et consommés par une des 51 catégories de demande finale. La demande finale se divise en 100 catégories de dépenses domestiques (émissions générées par les ménages), ainsi que diverses classes de dépenses appartenant aux catégories de gouvernement, de construction, de machinerie et équipement, et de propriété intellectuelle.

Résultat : 50,6 % des émissions intrinsèques sont achetées par l’industrie, 32,4 % sont exportées et 16,9 % sont attribuées aux 51 catégories de dépenses de demande finale.

Le modèle considère ensuite que 50,6 % des émissions intrinsèques utilisées comme entrées intermédiaires doivent être finalement intégrés comme émissions intrinsèques dans le produit final des secteurs qui les achètent. Les tableaux d’entrées-sorties sont ensuite utilisés dans une deuxième opération pour répartir ces émissions, où cette fois-ci 21,4 % des émissions intrinsèques totales sont classées comme des achats de l’industrie, alors que le reste est exporté ou attribué aux catégories de dépenses de demande finale. D’autres opérations de modélisation sont réalisées jusqu’à ce que toutes les émissions soient finalement attribuées aux exportations ou aux catégories de dépenses de demande finale.

Intensités des émissions

Le modèle estime les émissions de portée 1, 2 et 3 (en amont) et les intensités des émissions liées à toute sortie du secteur (t d’éq. CO2/sorties en $ ou PIB en $) ou à toute dépense (t d’éq. CO2/dépenses en $). Il convient de noter qu’il existe une différence entre les émissions carbone générées en amont et incorporées dans la production et la consommation, et le carbone incorporé qui n’est pas brûlé et qui passe par les chaînes d’approvisionnement. En pratique, cela signifie que les intensités d’émissions de portée 3 comprennent des émissions qui sont libérées en amont de la production mais n’incluent pas le carbone incorporé, qui est finalement libéré par une autre utilisation finale en aval.

Les émissions de portée 1 correspondent tout simplement aux émissions totales attribuées en premier lieu à tous les secteurs. Les émissions de portée 2 sont celles liées au premier achat d’électricité produite par le secteur de la production, du transport et de la distribution énergétique. Les émissions de portée 3 sont toutes les autres émissions intrinsèques dans les sorties achetées par les secteurs ou qui finissent en exportations ou en dépenses de consommation finale.

On détermine les intensités des émissions sectorielles en divisant le total des émissions de portées 1, 2 et 3 par les sorties ou le PIB du secteur en 2021.

On détermine les intensités des émissions des dépenses (pour des produits consommés) en divisant le total des émissions de portées 1, 2 et 3 par le total des dépenses de la catégorie de consommation en 2021.

Limites du modèle

  1. Le modèle détermine les intensités des émissions nationales moyennes; il n’est donc pas représentatif des sorties d’une province ou d’une installation en particulier, dont le profil d’intensité des émissions peut grandement varier. Les résultats sont donc plus utiles pour obtenir une vue d’ensemble des émissions d’un portefeuille de placements ou d’achats au Canada que pour estimer les émissions d’un projet ou d’une installation. Ainsi, les résultats sont peu pertinents dans une optique de réglementation.
  2. Le modèle ne tient compte que des émissions canadiennes. Lorsqu’il est question des émissions intrinsèques des produits, il n’est utile que pour estimer les émissions de portées 1, 2 et 3 des produits fabriqués et vendus au Canada. Toutefois, de nombreux produits fabriqués ici auront des composantes ou des entrées importées; il se peut donc que les émissions de portée 3 soient sous-estimées. La plupart des 60 secteurs vendent au moins un produit ou une marchandise. Les émissions peuvent être beaucoup plus importantes pour une marchandise qu’une autre. Étant donné que nous suivons seulement l’intensité des émissions moyenne de l’ensemble de la production, nous perdons de vue ces sous-produits et leurs effets sur le carbone intrinsèque des achats par différents secteurs ou par catégories de dépenses de consommation finale. Si nous en tenions compte, ces variations pourraient mener à des intensités des émissions considérablement différentes.